Honoré de BALZAC. Le Père Goriot

Balzac leo

LISEZ BALZAC, vous aurez autant à désapprendre qu'à apprendre, vous serez menés par une main de maître (JLCeccarini, Libraire).


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RARE ÉDITION ORIGINALE EN RELIURE D'ÉPOQUE.

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BALZAC (Honoré de).

Le Père Goriot

histoire parisienne publiée par M. de Balzac.

Paris, Librairie De Werdet, 49, rue de Seine-St-Germain ; Spachmann*, Éditeur, 24, rue Coquenard, 1835.

[Imprimerie De P. Baudouin, rue Mignon, n° 2]

*Soulignons que Jakob-Friedrich SPACHMANN (1807-1850), relieur d’origine wurtembourgeoise, établi rue Coquenard (actuelle rue Lamartine), coéditeur du roman Le Père Goriot, était le relieur attitré d’Honoré de Balzac.


Exemplaire en premier tirage.

2 tomes reliés en 2 volumes in-8° ; I/(4)-[21]-352 pp. et 1 feuillet non chiffré de table ; II/(2)-374 pp. et 1 feuillet non chiffré de table. La table des ma­tières compte sept chapitres.

Les faux-titres sont imprimés : « Œuvres de M. De Balzac. – Le Père Goriot. » Au folio verso des faux-titres ont lit : « Se trouve aussi chez MM. Ed. Legrand et J. Bergounioux, 59, quai des Augustins ; Lecointe et Pougin, 39 même quai. »


Un demi-veau glacé Lavallière, dos lisse très joliment orné de petits fers dorés avec fleurons, palette gravée or en pied, pièce de titre et de tomaison en maroquin rouge, non rogné, tranches très joliement marbrée (vert, marron, beige), UN EXEMPLAIRE IMMACULÉ, UNE FINE ET FRAÎCHE RELIURE D'ÉPOQUE.

Exemplaire relié à la parution et rare dans cette condition.

Format bibliographique : 210 x 125 mm


Vendu


PROVENANCES : Vignette ex-libris armorié de la Bibliothèque Du PONT AUBEVOYE André Charles Théodore marquis d’OYSONVILLE (1784-1862) ; timbre humide ex-libris de la Bibliothèque du Château de CHAZELET* ; vignette ex-libris de la Bibliothèque d'Hubert HEILBRONN.

*Alexandre Dumas séjourna au château de Chazelet qu'il choisi pour cadre pour deux de ses romans : Le Docteur mystérieux et La Fille du marquis.


Pour en finir une fois pour toutes avec cette erreur répétée au fil des pages des cataloques des libraires et des maisons de ventes aux enchères rédigés par des « experts ».

La préface de 8 feuillets livrée quelques semaines après la publication du roman.

Ce rare exemplaire relié d’époque en premier tirage de l’édition originale a été référencé au catalogue de la Bibliographie de la France : « Pour paraître le lundi 2 mars [1835] », au prix de quinze francs. Une autre annonce parue après cette publication le 11 mars 1835, sous le n° 1450.

L’édition originale ne possède pas la préface de 8 feuillets, cahier préliminaire, première feuille de 16 pages numérotée de 1 à 16.

Cette dernière, signée de la lettre a, une série de signatures spécifiques, contrairement aux signatures numérotant d’un chiffre indo-arabe les autres cahiers du corps principal du volume. Elle fut fournie postérieurement, le 30 mai 1835 aux acheteurs, qui négligèrent de l’encarter dans leurs volumes. Nous la trouvons, naturellement, dans la seconde édition.

Pierre BERES, illustre et éminent libraire parisien, cite dans l’un de ces prestigieux catalogues consacrés à la littérature moderne : « Comme la plupart des exemplaires reliés à la parution, celui-ci ne contient pas la préface que l’auteur, malade, ne put livrer au moment de la mise en vente et qui ne fut ajouter que plus tard à quelques exemplaires. » (Pierre BERES, Éditions originales, Manuscrits & Lettres autographes, Catalogue n° 56, exemplaire lavé (n° 35), relié en demi-chagrin vert d’époque, dos romantique, vendu 375 000 fr.).

†Le plus grand libraire de tous les temps (N D L).


La première publication du Père Goriot en volumes fit l’objet d’un contrat, sur papier timbré, de la main de Werdet, approuvé par Balzac, Jean-Baptiste Antoine Werdet et Charles Vimont, co-éditeur. (Cf. Collection Lovenjoul, cote A. 268, folio 156).

Extrait :

Article premier. M. de Balzac cède à MM. Werdet et Vimont le droit de publier une édition du roman intitulé Le Père Goriot, qui sera imprimé en deux volumes in-8° et tiré taxativement à douze cents exemplaires sans qu’il puisse y être ajouté une seule feuille de plus, pas même celles que l’on désigne sous le nom de main de passe. Sur ce nombre, douze exemplaires sont remis gratuitement à l’auteur.


Le 11 mars 1835, Balzac confia à Mme Hanska : « Ce stupide Paris, qui a négligé l'Absolu, vient d'acheter la 1re éd[dition] de Goriot, à 1 200 ex[emplaires], avant les annonces. Il y en a 2 autres éd[ditions] sous presse ».


Description de la seconde édition :

Le Père Goriot. Troisième édition revue et corrigée. Paris, Librairie De Werdet, Spachmann, Éditeur, 1835. 2 volumes in-octavo.
En réalité, la seconde édition (Balzac ayant compté comme première édition la publication pré-originale dans La Revue de Paris) ; elle contient la préface qui ne pouvait être jointe à l’édition originale en premier tirage (pas encore imprimée) et où Balzac défend son roman contre la critique (édition référencée au catalogue de la Bibliographie de la France, le 30 mai 1835).


Quelques mots sur Edmond Werdet

Quelques mots sur Jean-Baptiste Antoine WERDET, dit Edmond WERDET, l’homme qui rêva de devenir L’UNIQUE LIBRAIRE-ÉDITEUR de BALZAC l'impécunieux : « Malheur à celui qui avait l’outrecuidante témérité de résister à ses exigences et à ses caprices » (Cf. : Werdet, Souvenirs…, Dentu Éditeur, 1879, p. 37).

Edmond Werdet (1793-1870), fut d’abord employé de librairie, puis libraire et éditeur, rue des 4 Vents, n° 18, à Paris. Il s’associa à la veuve Charles-Béchet et rêva de devenir l’unique Libraire-Éditeur de Balzac, publiant Le Médecin de campagne (pour la deuxième édition de 1834 et la troisième édition de 1836), Le Père Goriot, Le Lys dans la vallée, etc. N’ayant pas résisté aux perpétuelles demandes d’argent d'Honoré de Balzac, il fut réduit à déposer son bilan en 1837, et finalement la faillite l’obligea à abandonner définitivement la librairie.


BIBLIOGRAPHIE

Nous vous conseillons de commencer la découverte de l’œuvre d'Honoré de Balzac par Le Père Goriot, et d'enchaîner sur Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes.

À noter également que le personnage du forçat, Jacques Collin, dit Vautrin, une espèce de colonne vertébrale qui, par son horrible influence, relie pour ainsi dire Le Père Goriot à Illusions perdues, et Illusions perdues à Splendeurs et misères des courtisanes.


Les études sur Balzac et les bibliographies critiques sont considérables, mais les deux instruments de travail essentiels pour l’étude des romans sont :

  • SPOELBERCH DE LOVENJOUL, Histoire des œuvres de H. de Balzac, Troisième édition, Paris, Calmann Lévy, Éditeur, 1888.
  • FERNAND LOTTE, Dictionnaire biographique des personnages fictifs de la Comédie humaine, Paris José Corti, 1952.

– Pierre Berès, Exposition commémorative du cent cinquantième anniversaire de Balzac, Paris, 1949, n° 281. – BnF site Richelieu, Honoré de Balzac 1799-1950, Exposition organisée pour commémorer le centenaire de sa mort, Paris, 1950, n° 352, p. 86. – Carteret, Romantique & Moderne, t. I, p. 70.

–  La référence essentielle : Pierre-Georges CASTEX, éditeur scientifique, Honoré de BALZAC, Le Père Goriot, Éditions Garnier Frères [Classiques Jaunes], 1963, (exemplaire de jeunesse du libraire Hérodote avec lequel nous avons travaillé), ainsi que : Félicien MARCEAU (Notice et notes de Thierry Bodin), éditeur scientifique, Honoré de BALZAC, Le Père Goriot, Éditions Gallimard, [Collection Folio], 1971.

– Clouzot, p. 22 : « Rare et très recherché ».

– Catalogue de la Collection Joseph GABALDA* (1863-1932), Honoré de Balzac, Paris, Drouot, 1876, n° 9I : « Rare et très recherché ».

*La Collection Joseph GABALDA, « pieux bibliopole », fut avec l’impressionnante collection du vicomte Charles de Spœlberch de Lovenjoul, la plus complète que possible, consacrée au « culte Balzac ».

– Stéphane Vachon, Les travaux et les jours d'Honoré de Balzac…, p. 146, Paris, PU de Vincennes, 1992.

– Vicaire, Manuel de l’Amateur de Livres du XIXe siècle, t. I, col. 199 : « Je n’ai pu voir cette édition qui n’est pas à la Bibliothèque Nationale et c’est à M. le Vicomte de Spœlberch de Lovenjoul que je dois le libellé exact. »

– Nous vous invitons à lire le maître de la biographie : Stefan SWEIG, Balzac, le roman de sa vie, Paris, Albin Michel, 1950 (ou Collection Le Livre de Poche), publiée après sa mort, cette œuvre l’occupa dix années durant.

– Nous vous invitons à lire les notes de Julien GRACQ sur Balzac in en lisant en écrivant, Paris, José Corti, 1981, p. 17 sqq.

– Nous vous invitons à lire la biographie de référence par l’un des plus grands spécialistes de Balzac : Roger PIERROT, Honoré de Balzac, seconde édition revue et corrigée, Paris Fayard, 1999.

– Soulignons un livret de pièce de théâtre inspiré de l’œuvre de Balzac : Le Père Goriot, drame-vaudeville en trois actes par MM. Théaulon, Al. Decombrousse et Jaime, Paris, 1835.

Représenté au Théâtre des Variétés le 6 avril 1835. Le rôle d'Eugène Rastignac était tenu par Prosper Bressant, ce fut l’un des ses premiers grands succès.


VÉRITABLE ÉDITION ORIGINALE EN PREMIER TIRAGE DE LA PLUS GRANDE RARETÉ publiée quelques semaines seulement après la fin de la parution en livraisons, premier jet de l’œuvre, dans les tomes XII et XIV de La Revue de Paris à la fin de l’année 1834 (le texte offre de nombreuses variantes avec celui de l’édition originale imprimée chez Werdet), afin d’éviter la fâcheuse contrefaçon des libraires belges qui inondaient le marché avec les mêmes titres qu’à Paris, imprimés en un seul volume et bien moins chers*.

*Le Père Goriot. Bruxelles, Ad. Wahlen, 1835, in-16°. Édition originale belge reproduisant le texte paru dans La Revue de Paris.


Le fonds Lovenjoul conserve le manuscrit du roman (en fait une copie autographe qui a servi à l’impression) sous la cote A 183 ; 176 feuillets reliés, dédiés à Mme Hanska (c’est dans cette dédicace qu’on a découvert, sous une rature, la mention du « jour inoubliable » où ils devinrent amants). Du brouillon ne subsiste qu’une page de début, abandonnée (cote : Lov. A 301 f° 220).

Le catalogue éditeur de 1845 fait passer Le Père Goriot dans les « Scènes de la vie privée », avant Le Colonel Chabert, ce que confirme l’édition collective chez Furne corrigée qui porte d’allusives corrections en marge.


« Le nouveau roman (de M. de Balzac) ne pouvait manquer de faire fureur. À peine avons-nous besoin de dire que la première édition est à peu près épuisée, quoiqu’elle ne fasse que succéder aux livraisons de La Revue de Paris, que tout le monde se disputait dans les cabinets de lecture. Un plus sûr thermomètre du succès remporté par M. de Balzac, c’est la violence des irritabilités envieuses qui se déchaînent contre lui. Il doit être fier de ce redoublement d’attaques : c’est le complément d’un triomphe. » (Rédacteur anonyme in L’Impartial, 8 mars 1835).


« Dans la première édition en librairie du Père Goriot (mars 1835), on compte vingt-trois personnages reparaissants. Balzac enrichit si bien sa technique au fil de la publication de ses œuvres nouvelles et des rééditions de ses œuvres anciennes que, au total, quarante-huit acteurs de la Comédie humaine reparaissent dans Le Père Goriot. Ce nombre extrêmement élevé en fait, pour le philosophe Alain, l’un de ces « carrefours où les personnages de la Comédie hu­maine se rencontrent, se saluent, et passent. De là vient qu’au lieu d’être dans un roman, on est dans dix » (Avec Balzac, Gallimard, 1937 [1935], p. 191) ; ou pour le romancier François Mauriac, « un rond-point. De là partent les grandes avenues qu’il [Balzac] a tracées dans sa forêt d’hommes » (Le Romancier et ses personnages, Presses Pocket, « Agora », 1990, p. 50-51). » (Maison de Balzac, Paris XVIe arrondissement).


Charles Baudelaire fin connaisseur et critique littéraire d’Honoré de Balzac

« J’ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m’avait toujours semblé que son principal mérite était d’être visionnaire, et visionnaire passionné. »

« Tous ses personnages sont doués de l’ardeur vitale dont il était animé lui-même. Toutes ses fictions sont aussi profondément colorées que les rêves. Depuis le sommet de l’aristocratie jusqu’aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre. Bref, chacun, chez Balzac, mêmes les portières, a du génie. Toutes les âmes sont des âmes chargées de volonté jusqu’à la gueule. C’est bien Balzac lui-même. Et comme tous les êtres du monde extérieur s’offraient à l’œil de son esprit avec un relief puissant et une grimace saisissante, il a fait se convulser ses figures ; il a noirci leurs ombres et illuminé leurs lumières. Son goût prodigieux du détail, qui tient à une ambition immodérée de tout voir, de tout faire voir, de tout deviner, de tout faire deviner, l’obligeait d’ailleurs à marquer, avec plus de force les lignes principales, pour sauver la perspective de l’ensemble. Il me fait quelquefois penser à ces aquafortistes qui ne sont jamais contents de la morsure, et qui transforment en ravines les écorchures principales de la planche. De cette étonnante disposition naturelle s'ensuivent des merveilles. » (Charles Baudelaire : article consacré à Théophile Gautier, in: L’Artiste, du 13 mars 1859).

« Tous les personnages sont doués de l’ardeur vitale dont il était animé lui-même. Toutes ses fictions sont aussi colorées que les rêves. Depuis le sommet de l’aristocratie jusqu’aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre. Toutes les âmes sont des âmes chargées de volonté jusqu’à la gueule. » (in Charles Baudelaire, Œuvres complètes, L’Art Romantique, t. III, Paris, Michel Lévy, 1868-1870).

Le poète et prosateur Charles Baudelaire est le plus fin critique littéraire d’Honoré de Balzac. Le jeune poète a lu Balzac avec une grande attention, ses pages de critiques littéraires, réunies dans son ouvrage « L’art romantique », publiées pour la première fois dans leur intégralité en 1868-[1870], écrites depuis 1845 et pendant les années suivantes sont remarquables. Dans ces textes, Baudelaire fait preuve d’une admirable lucidité de pensée et d’analyse, d’une sûreté dans l’exposé des principes théoriques, d’une modernité, d’une délicatesse, d’une sensibilité et d’une précision infaillible de jugement.

Balzac a été l'un des premiers contributeurs de la prestigieuse Revue des Deux Mondes, jusqu’à l’arrêt brutal de sa collaboration avec son cofondateur, François Buloz, au milieu des années 1830.



Égoïsme, arrivisme, immoralité, amour et argent, Le Père Goriot, un petit chef-d’œuvre qui inaugure la naissance de la Comédie humaine. Le Père Goriot représente la clef de voûte du cycle balzacien.


Dans l’album où Balzac prenait des notes sur ses œuvres en projet, le romancier résume l’intrigue du Père Goriot d’une manière lapidaire : « Un brave homme – pension bourgeoise – 600 fr. de rente – s’étant dépouillé pour ses filles qui toutes deux ont 50 000 fr. de rente – mourant comme un chien ».


Le roman fondateur de la Comédie humaine. UN CHEF-D'ŒUVRE !

Le Père Goriot, roman d’un père renié par ses filles (Anastasie et Delphine) au nom des passions et des ambitions humaines. Ce petit bijou romanesque offre une impressionnante galerie de portraits et de noms familiers qui sont devenus des types communs, de véritables légendes littéraires, encore reconnaissables de nos jours. Eugène de Rastignac, jeune provincial d’Angoulême « monté » à Paris, venu étudier le droit, sans fortune, sans talent, ambitieux mais humain qui pleure sur les illusions de sa jeunesse, il finira ministre ; Horace Bianchon, qui partage avec lui les maigres repas de la Maison-Vauquer, deviendra l’un des plus grands médecins de son temps, membre de l’Académie des sciences, officier de la Légion d’honneur ; Jacques Collin alias Vautrin, alias Trompe-la-Mort, grand brigand et manipulateur, le forçat évadé du bagne de Toulon très épris de revanche sociale, un épouvantable caractère de force mêlée de ruse, un homme sans scrupule aux doctrines implacables, un goupil que l’on retrouvera chef de la police de Sûreté (souvent identifié au fameux Vidocq). De la sinistre et misérable Pension Vauquer (où l'on est logé et où l'on mange pour 30 francs par mois, mais l'ordinaire est moins bon) située dans le bas de la rue Neuve-Sainte-Geneviève (actuelle rue Tournefort à Paris) aux bals de l’aristocratie du faubourg Saint-Germain, tous ces personnages sont magnifiquement entourés par le baron et la baronne Delphine de Nucingen, fille cadette du père Goriot, la vicomtesse de Beauséant, cousine d’Eugène de Rastignac, la duchesse de Langeais, reine éphémère de la société du Petit-Château*, ainsi que le comte et la comtesse Anastasie de Restaud, fille aînée du père Goriot (plus belle et plus excessive que sa sœur). Le roman se déroule sous la Restauration (nous sommes en 1820), au cœur d'un Paris de perdition, où l'oisiveté, l’ennui, les règles sociales cruelles, le dédain, le mépris, l'orgueil et la vanité gouvernent la haute société.

*En référence à la cour de Versailles, c'est-à-dire la crème de l'aristocratie du faubourg Saint-Germain.


Maurice Bardèche y vit la naissance de la Comédie humaine, et remarqua le retour des personnages et le rôle des contrastes intérieurs à l’œuvre.

C’est à Paris (Maison de Balzac), 1, rue Cassini, qu’a été rédigée la plus grande partie du Père Goriot, ainsi qu’au château de Saché, qui appartient à M. de Margonne, amant de sa mère et père de son frère Henry.


Les bonnes feuilles

Le célèbre défi d'Eugène Rastignac sur les hauteurs de la colline du cimetière du Père-Lachaise.

« A six heures, le corps du père Goriot fut descendu dans sa fosse, autour de laquelle étaient des gens de ses filles qui disparurent avec le clergé aussitôt que fut dite la courte prière due au bonhomme pour l’argent de l’étudiant. Quand les deux fossoyeurs eurent jeté quelques pelletées de terre sur la bière pour la cacher, ils se relevèrent, et l’un d’eux, s’adressant à Rastignac, lui demanda leur pourboire. Eugène fouilla, il n’avait plus rien, et fut forcé d’emprunter vingt sous à Christophe. Ce fait, si léger en lui-même, détermina chez Rastignac un accès d’horrible tristesse. Le jour tombait, il n’y avait plus qu’un crépuscule qui agaçait les nerfs, il regarda la tombe et y ensevelit sa dernière larme de jeune homme, cette larme arrachée par les saintes émotions d'un cœur pur, une de ces larmes qui, de la terre où elles tombent, rejaillissent jusque dans les cieux. Il se croisa les bras, contempla les nuages. Christophe s’en alla. Bientôt Rastignac resta seul. Il fit quelques pas vers le haut du cimetière, et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer ! Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ce mot suprême !

— A nous deux maintenant.

Puis il revint à pied rue d’Artois, et alla dîner chez madame de Nucingen. »

Ainsi s'achève Le père Goriot.