MISSALE ECCLESIE CATHALAUNENSIS. 1543

Missale 5

Missale 3

Missale 4

Missale 1 fd noir

Missale 2

Sous la plume de l'historienne de l'art Ilona Hans-Collas.

MISSALE INSIGNIS ECCLESIE CATHALAUNENSIS. 1543

Un tre?s rare exemplaire d’un missel a? l’usage de Cha?lons-en-Champagne, imprime? sur ve?lin, a? Paris en 1543 par Yolande Bonhomme, veuve de Thielman Kerver ; illustre? de nombreuses gravures enlumine?es et dans une reliure du XIXe sie?cle de Lortic.


Parchemin, in-folio, 2 ff. de garde, tissu et papier (le premier en soie rouge est double? de papier marbre?, le second en papier marbre? (recto), XIXe sie?cle) + 2 ff. de garde en parchemin (XIXe sie?cle) + 232 feuillets: dont 10 ff. (non foliote?s comprenant le frontispice (premier feuillet recto), la table pascale (premier feuillet verso), le calendrier (6 ff.), liste des fe?tes du dioce?se de Cha?lons et Benedition aquae) + 130 (foliote?s de I a? CXXX) + 56 (foliote?s de I a? LVI) + 36 (foliote?s de I a? XXXV ; les deux derniers sont foliote?s XXXV ; le dernier a e?te? refait) + 2 ff. de garde en parchemin (XIXe sie?cle) + 2 ff. de garde en papier (le premier double? de papier marbre?, le second en papier marbre? double? de soie rouge) ; 334 x 222 mm ; justification : 263 x 161-164 mm ; 45 lignes sur 2 colonnes (32-42 lignes pour le calendrier ; 22 lignes de taille plus grande pour le Canon), re?glure a? l’encre rose. Reliure de Lortic (XIXe sie?cle), tranches dore?es.


Vendu


RELIURE, XIXe sie?cle, maroquin La Vallie?re et maroquin rouge ; 344 x 240 x 60 mm.
La marque du relieur est colle?e au verso du feuillet de garde du de?but: petite e?tiquette avec le motif de livres empile?s sur lesquels sont e?crits le nom du relieur LORTIC. RELIEUR DOREUR PARIS et les re?compenses obtenues aux expositions universelles de Londres, Paris, Vienne et Philadelphie. La distinction de chevalier de la Le?gion d’honneur en 1878 figure au- dessus de l’emble?me.

De?cor mosai?que?, identique pour les plats supe?rieur et infe?rieur, compose? d’une grande croix centrale orne?e au milieu d’une Vierge debout, tenant un livre ouvert et foulant un serpent aux pieds; aux extre?mite?s de chaque bras de la croix figurent les quatre symboles des e?vange?listes (taureau aile?, lion aile?, aigle, ange) ; aux angles, des te?tes de dragons crachent des rinceaux rouges qui s’enroulent en spirales sur toute la surface et qui se terminent par des fleurs stylise?es ; de?cor entoure? d’une bordure bleue. Dos orne? d’un de?cor semblable forme? de rinceaux et de te?tes de dragons; titre MISSALE ECCLESIE CATHALAUNENSIS. Doublure en maroquin rouge de?core?e d’un semis de marguerites dore?es entoure?es d’une bordure de rinceaux feuillage?s et de filets dore?s tre?s fins.

Le missel est pre?sente? dans un e?tui soigne? en maroquin La Vallie?re de l’atelier Lortic ; au dos, titre en lettres dore?es: MISSALE ECCLESIE CATHALAUNENSIS. PARISIIS 1543.

Nota bene: Pierre-Marcellin LORTIC (1822-1892), relieur installe? a? Paris de?s 1840, rue de la Monnaie puis rue Guénégaud. Premie?re me?daille rec?ue a? l’exposition universelle de Londres en 1851. En 1884, ses fils Marcelin et Paul lui succe?dent.


E?TAT DE CONSERVATION

Tre?s bon e?tat de conservation ge?ne?ral avec des gravures somptueusement enrichies de couleurs qui ont garde? toute leur frai?cheur. Tre?s peu d’e?cailles ou de parties frotte?es. Tous les feuillets pre?sentent de le?ge?res taches, perceptibles sur la surface des marges mais n’affectant ni le texte ni les illustrations. Ces taches seraient dues a? l’humidite? ; elles semblent anciennes car elles sont de?ja? signale?es dans le catalogue de vente de la collection Firmin-Didot en 1879. Le dernier feuillet (f. XXXV) a e?te? refait a? l’identique (recto et verso). Il porte la me?me foliotation que le feuillet qui pre?ce?de (ceci est aussi le cas pour les autres exemplaires connus du Missel). Reliure en parfait e?tat de conservation.


PROVENANCES PRESTIGIEUSES

Cardinal Robert de Lenoncourt (1510-1561).

Le cardinal Robert de Lenoncourt rec?ut ce missel qui fut fait a? l’initiative de son vicaire ge?ne?ral, le chanoine Nicolas Lanisson. Ses armoiries, surmonte?es d’un chapeau de cardinal, ornent le frontispice: aux 1 et 4, d’azur, a? la croix d’argent, cantonne?e de quatre fleurs de lys d’or (Cha?lons) ; aux 2 et 3, d’argent, a? la croix engre?le?e de gueules (Lenoncourt). Les me?mes armoiries figurent en fin de volume (f. XXXV v°).
Robert II de Lenoncourt eut une belle carrie?re eccle?siastique : comte-e?ve?que de Cha?lons-en- Champagne et de Metz, archeve?que d’Embrun, d’Auxerre, de Sabine, d’Arles et de Toulouse. Il fut e?lu cardinal en 1538, date qui figure sur le de?cor d’architecture de la pleine page du Christ en majeste? (f. CXXV). Il fut e?galement pair de France.

Ambroise Firmin-Didot (avant 1879).

Le missel a fait partie de la tre?s riche collection d’Ambroise Firmin-Didot (1790-1876), ce?le?bre imprimeur, libraire parisien, graveur et fondeur de caracte?res, auteur, collectionneur d’art.
Il a figure? a? la deuxie?me vente de la bibliothe?que de Firmin-Didot qui s’est de?roule?e a? l’ho?tel des commissaires-priseurs, rue Drouot, a? Paris, e?tale?e sur six jours (du lundi 26 au samedi 31 mai) et comprenant 525 lots, manuscrits et imprime?s, dont une large part de livres religieux. Parmi eux notamment les ce?le?bres Heures d’Anne de Bretagne, le Missel de Charles VI ou encore les Heures de Rene? II de Lorraine.
Le pre?sent missel, indique? sous la rubrique « Liturgie », fut mis aux enche?res le lundi 26 mai 1879 sous le lot 73 et fut vendu pour un prix de 3 600 francs. L’exemplaire annote? du catalogue de vente (BNF) livre le prix mais pas d’indication sur l’acque?reur.

Note manuscrite au verso du feuillet de garde en papier du de?but du missel:
Missel a? l’usage du dioce?se de Cha?lons-sur-Marne, non cite?. – 1543 – Exemplaire sur ve?lin, exe?cute? spe?cialement pour le cardinal Robert de Lenoncourt, e?ve?que et comte de Chalons-sur-Marne, pair de France, dont les Armes se trouvent sur la premie?re page, au dessous d’une miniature repre?sentant St Etienne, martyr, patron de la ville. – Page entie?rement peinte, y compris le titre, mais sous la gouache on aperc?oit la gravure. – 2 [chiffre barre? et remplace? par «Titre +3»] grandes miniatures – 118 petites – 30 moyennes ; tanto?t originales pour lesquelles la place avait e?te? laisse?e en blanc, tanto?t recouvrant des gravures sur bois – 232 feuillets. – Vente Didot 1879 no 73.
A? co?te? indication du nombre de feuillets (de la me?me main que le chiffre barre?) : 130, 56, 35, 1 f. refait a? la plume.

Collection prive?e, non identifie?e (avant fin 2001):

Vente a? Paris chez Drouot, le 20 de?cembre 2001, lot 173 (la notice indique errone?ment la date de 1878 pour la vente de Firmin-Didot). Cette vente e?tait pour une large partie consacre?e a? la bibliothe?que d’Andre? Hachette. Le missel ne faisait pas partie de cette collection car il est indique? sous la rubrique « Livres provenant de divers amateurs ».

Remarque: Il est difficile de reconstituer les provenances avant la vente de la collection de Firmin-Didot en 1879. D’e?ventuelles indications sur la reliure et les gardes d’origine ont peut-e?tre disparu lors du changement de la reliure au XIXe sie?cle.
On peut toutefois mentionner la pre?sence d’un missel dans la bibliothe?que de l’abbe? Rothelin (mort en 1744) dont le catalogue de vente, dresse? en 1746, indique parmi les livres liturgiques un « Missale Catalaunense, impressum in membranis, cum figuris depictis. Paris. Vidua Kerver, 1543. in fol. mar. r. ». Ce livre fut vendu 43 livres, 10 sous (Martin, 1746, p. 25, lot 243). Ce me?me missel est brie?vement de?crit par Osmont en 1768 comme un « in-fol. rare », « imprime? sur ve?lin, & dont les Figures e?toient enlumine?es, a e?te? vendu 43 l. 19 s. » [sic] (Osmont, 1768, p. 477).

Cet exemplaire enlumine? et dans une reliure de maroquin rouge pourrait correspondre a? celui acquis plus tard par Ambroise Firmin-Didot. En aucun cas il ne peut s’agir des exemplaires de la BNF ni de ceux de la bibliothe?que municipale de Cha?lons-en-Champagne (voir plus loin) dont les reliures sont d’un autre type et qui n’ont pas cette marque de provenance. Seul le Ve?lins-158 est enlumine? mais sa reliure n’est pas de maroquin rouge.

Charles d’Orle?ans de Rothelin (Paris aou?t 1691-17 juillet 1744) fut abbe? des Corneilles, homme d’E?glise et homme de lettres, the?ologien, bibliophile, collectionneur de me?dailles, membre de l’Acade?mie ; descendant de Dunois. La vente de sa bibliothe?que eut lieu en avril 1746, soit deux ans apre?s la mort de l’abbe?.


CONTENU

Livre liturgique, destine? au ce?le?brant, rassemblant tous les textes ne?cessaires a? la ce?le?bration de la messe (prie?res, lectures et chants) tout au long de l’anne?e liturgique.
Texte exclusivement en latin, imprime? en caracte?res rouges et noirs.
Au revers du frontispice, sous la tabula ad inventendum pascha in perpetuum, indication de la date de 1543 (en rouge et en chiffres romains): Nota quod in anno presenti M. CCCCC.XLIII. in quo fuit scripta presens tabula numerus aureus est.

Usage liturgique: missel a? l’usage du dioce?se de Cha?lons-en-Champagne(Cha?lons-sur- Marne) ; en latin dioecesis Catalaunensis.
Au de?but du propre du temps [f. I], en rouge: Christi nomine invocato, incipit ordo missarum per anni circulum, tam de tempore quam de sanctis, secundum usum insignis ecclesie Cathalaunensis.

Dans le calendrier, on remarque de nombreuses fe?tes de saints du dioce?se: saint Alpin (2 mai, fe?te de la translation, marque?e en rouge ; 7 septembre), saint Gibrien (7 mai), saint Menge (5 aou?t, en rouge), saint Bercaire (16 octobre). Saint E?tienne, patron de la cathe?drale de Cha?lons, est indique? au 26 octobre, fe?te de la de?dicace dioce?se, et le martyre du saint, au 26 de?cembre. Le saint est e?galement honore? par deux belles gravures qui montrent la sce?ne de la lapidation : le frontispice et au feuillet XXXII de la fe?te de l’invention des reliques du saint ; deux autres petites gravures montrent le diacre tenant la palme du martyre et les pierres qui font re?fe?rence a? sa lapidation (ff. XI v° et XX v°).

Missel imprime? a? Paris en 1543:
Colophon au recto du dernier feuillet du volume (f. XXXV ; feuillet refait), texte calligraphie? en lettres noires et rouges ; les indications en rouge e?tant re?serve?es aux noms et a? la date: Excudebat Jolanda Bonhomme vidua spectabilis viri Thielmanni Kerver Parisiis in edibus suis, sub insigni unicornis, in vico divi Jacobi. Sumptibus et diligentia discreti viri magistri Nicolai Lanisson presbyteri in decretis licentiati, ecclesieque Cathalaunensis canonici ac thesaurarii necnon reverendissimi domini cardinalis de Lenoncourt vicarii generalis. Anno domini millesimo quingentesimo quadragesimo tertio, mense octobri.

Yolande Bonhomme, veuve de l’imprimeur Thielman Kerver de?ce?de? en 1522. La pe?riode de son activite? d’imprimeur libraire se situe entre 1522 et 1557, anne?e de sa mort. Yolande Bonhomme fut la fille de l’imprimeur-libraire Pasquier Bonhomme. Elle fut installe?e a? la rue Saint-Jacques.

Nicolas Lanisson fut, comme le colophon l’indique, vicaire ge?ne?ral du cardinal Robert de Lenoncourt, chanoine et tre?sorier de la cathe?drale de Cha?lons. Il est atteste? par des documents d’archives des anne?es 1530-1550.
Signalons que les deux hommes sont mentionne?s par Louis Vasse?, me?decin a? Cha?lons, qui de?die son ouvrage In anatomen corporis humani tabulae quatuor a? Robert de Lenoncourt et adresse l’e?pi?tre de?dicatoire a? Nicolas Lanisson.

Date d’exe?cution:
La date de 1543 figure en chiffres arabes en haut de la page frontispice et en toutes lettres, en latin, au colophon. L’impression du texte et des gravures et l’enluminure sont contemporaines.
Seul le dernier feuillet fut refait au XIXe sie?cle, peut-e?tre par Adam Pilinski. On sait qu’Adam Pilinski (1810-1887) travailla pour le bibliophile Firmin-Didot et re?alisa des reproductions en fac-simile? d’apre?s des manuscrits de sa collection (voir Adam Pilinski, 1890, p. 5).


ILLUSTRATIONS

Technique: gravure enlumine?e, couleur couvrante, or et argent. L’oxydation de l’argent est visible au revers des armories du frontispice.

Dimensions des gravures:
Le missel est illustre? de 150 gravures, de formats diffe?rents, toutes mises en couleur.
L’image frontispice occupe une pleine page au de?but du volume (290 x 179 mm).
Deux autres gravures sont a? pleine page et forment une tre?s belle double page au de?but du Canon (chacune mesurant 270 x 178 mm).
Une illustration au de?but du volume (f. I) occupe une demi-page et est de format carre? (150 x 150 mm).
31 illustrations, de taille moyenne, se logent dans l’espace de la largeur d’une colonne (environ 100 x 72 mm ; 19 interlignes).
96 petites (environ 50 x 37 mm ; 10 interlignes).
18 tre?s petites (environ 32 x 21 mm ; 4 a? 6 interlignes).
1 initiale historie?e au Canon (32 x 32 mm ; 3 interlignes).

Outre les nombreuses gravures mises en couleur, riche de?cor enlumine?:
[F. 1]: Encadrement orne? pour le premier feuillet au de?but du temporal (ou propre du temps) : de?cor enlumine? sur fond dore? ; acanthes multicolores (rouges, bleus, roses) ; fleurs (pense?es, roses, pa?querettes) et fruits (fraises, mu?res). Certaines illustrations de moyen format sont entoure?es d’un cadre enlumine? de me?me type comme par exemple l’image de saint Michel (f. XLVII et X v°) ou celle du Commun des Vierges (f. VIII v°).
Plus de 300 initiales orne?es de taille variable sont re?parties dans le volume selon une hie?rarchie. Elles sont de deux types diffe?rents qui alternent (parfois plusieurs initiales par pages) :
- initiales en couleurs sur fond dore? (3 a? 7 interlignes), sous les gravures, au de?but des offices (introi?t). Elles sont de?core?es de feuilles, de fruits et de fleurs, d’une grande diversite? (roses, bleuets, campanules, fraisiers, etc.) ;
- initiales dore?es sur fond bleu orne? de motifs dessine?s en blanc (4 a? 7 interlignes).
D’autres initiales, simples, de couleur rouge (1-2 interlignes) se trouvent sous les rubriques rouges, introduisant les chapitres. Signes de paragraphe noirs (1 interligne).

Descriptions des illustrations:
Remarque: l’indication du verset des e?vangiles est transcrite (Jn-Jean, Lc-Luc, Mc-Marc, Mt- Matthieu) pour les petites illustrations ; pour les plus grandes images, l’office est indique?.

Frontispice a? pleine page, entoure? d’un cadre a? la manie?re d’un tableau. En haut, sur fond bleu, est e?crit le titre en lettres capitales: MISSALE . INSIGNIS . ECCLESIE . CATHALAUNEN[SIS] . 1543. Sous le titre, de?cor architecture? se de?tachant d’un fond rouge seme? de motifs dore?s. Au centre, la repre?sentation de la lapidation de saint E?tienne : deux bourreaux jettent des pierres sur le saint tombe? a? terre ; dans le ciel figure Dieu le Pe?re envoyant des rayons dore?s vers le martyr. Les pilastres richement de?core?s reposent sur un large soubassement qui porte les armoires de Robert de Lenoncourt, surmonte?es d’un chapeau de cardinal : aux 1 et 4, d’azur, a? la croix d’argent, cantonne?e de quatre fleurs de lys d’or (Cha?lons) ; aux 2 et 3, d’argent, a? la croix engre?le?e de gueules (Lenoncourt). Dans la partie infe?rieure, un autre e?cu est pre?sente? par deux satyres : d’azur, a? deux e?pe?es d’argent, passe?es en sautoir, les pointes vers le bas, accompagne?es en pointe d’une gerbe de ble? d’or. Ces armoiries sont certainement celles du chapitre de Cha?lons et pre?cise?ment du chanoine Nicolas Lanisson qui fut a? l’initiative du missel. Des motifs de te?tes de boucs, des guirlandes de fruits et de fleurs et des masques comple?tent le riche de?cor.

Temporal:
[F. I] (150 x 148-150 mm ; gravure a? mi page). Ce?le?bration de la messe a? l’inte?rieur d’une e?glise. Invocation. Le ce?le?brant devant l’autel entoure? d’eccle?siastiques et de lai?cs, hommes et femmes. Une a?me s’e?chappe des mains du ce?le?brant et monte vers Dieu le Pe?re, dans une nue?e et entoure? d’anges. Un chanoine portant l’aumusse a? l’avant-plan, sans doute une re?fe?rence a? Nicolas Lanisson, chanoine de Cha?lons, dont le nom et cette fonction sont indique?s dans le colophon.
Dans l’encadrement enlumine? de la marge infe?rieure : l’e?cu de France entoure? d’une couronne de laurier ; probable allusion au titre de pair de France de Robert de Lenoncourt.
F. II (Mt 21) Entre?e du Christ a? Je?rusalem. – F. III (Lc 21) Annonce de la venue Christ. Hommes et femmes regardent vers le ciel ou? apparai?t le Fils de l’homme entre le soleil et la lune. – F IIII (Mt 11) Disciples pre?s de la prison de saint Jean-Baptiste. – F. IIII v° (Lc 1) Annonciation. – F. VI v° (Jn 1) Saint Jean pre?chant. – F. VI v° (Lc 17) Je?sus re?pondant aux Pharisiens. – F. VII Nativite?. – F. VIII (Lc 2) Annonce aux bergers. – F. VIII Nativite?. – F. VIII v° (Messe du jour de Noe?l) Nativite?. – F. IX v° (Fe?te de saint E?tienne) Saint E?tienne tenant la palme du martyre et des pierres qui rappellent sa lapidation. – F. X Saint Jean e?vange?liste et son symbole l’aigle. – F. X v° (Jn 21) Le Christ et saint Pierre, suivi de saint Jean. – F. XII (Lc 2) Circoncision – F. XII v° (Fe?te de la Circoncision) Pre?sentation au temple. – F.XIII Sainte Genevie?ve. – F.XIIIv° (Mt 2) Fuite en E?gypte. – F.XIIII (E?piphanie) Adoration des mages. – F. XV (Lc 2) Je?sus parmi les docteurs. – F. XV v° (Mt 3) Bapte?me du Christ. F. XVI (Jn 2) Noces de Cana. F. XVII (Mt 8) Un le?preux va a? la rencontre de Je?sus. – F. XVII v° (Mt 8) Je?sus apaisant la tempe?te. Les disciples arrivent sur la rive, remontant le filet. – F. XVIII v° (Mt 20) Parabole des ouvriers dans la vigne. – F. XX (Lc 8) Parabole du semeur. – F. XXI v° (Lc 18) Je?sus be?nissant un homme en prie?re. – F. XXIII v° (Lc 7) Le Christ be?nit un homme venant a? sa rencontre. – F. XXIIII (Mt 5) Le Christ enseignant. – F. XXV (Mt 4) Tentation du Christ. – F. XXV v° (Mt 25) Jugement dernier et re?surrection des morts. – F. XXVI (Mt 21) Le Christ chassant les marchands du Temple. – F. XXVII (Mt 12, 38) Le Christ entoure? des apo?tres, scribes et Pharisiens. – F. XXVII v° (Jn 8) Je?sus parlant aux Juifs. – F. XXVIII (Jn 5) Gue?rison du malade de Be?zatha. – F. XXIX v° (Mt 17) Transfiguration. – F. XXX (Mt 15) Une Canane?enne implorant le Christ. – F. XXX v° (Jn 8) Je?sus parlant aux Juifs. – F. XXXI (Mt 23) Je?sus parlant a? ses disciples. – F. XXXI v° (Mt 20) Je?sus be?nissant les deux fils de Ze?be?de?e. – F. XXXII (Jn 5) Je?sus parlant aux Juifs. – F. XXXIII (Mt 21) Les vignerons homicides (parabole). – F. XXXIIII (Lc 15) L’enfant prodigue. – F. XXXIV v° (Lc 11) Je?sus chassant le de?mon. – F. XXXV v° (Lc 4) Le Christ et ses disciples. – F. XXXVI (Mt 18) Je?sus parlant aux apo?tres. – F. XXXVI v° (Mt 15) Je?sus parlant aux Pharisiens et aux scribes. – F. XXXVII (Jn 6) Je?sus entoure? des apo?tres et de juifs. – F. XXXVII v° (Jn 4) Le Christ et la Samaritaine. – F. XXXIX (Jn 8) Le Christ et la femme adulte?re. – F. XXXIX v° (Jn 6) Multiplication des pains. – F. XL v° (Jn 2) Le Christ chassant les marchands du temple. – F. XLI (Jn 7) Je?sus parlant. – F. XLI v° (Jn 9) Un homme implore le Christ. – F. XLII v° (Jn 5) Je?sus discutant entoure? des apo?tres. – F. XLIII v° (Jn 11) Re?surrection de Lazare. – F. XLIV v° (Jn 8) Je?sus discutant. – F. XLV (Jn 8) Le Christ et trois hommes voulant jeter des pierres (femme adulte?re). – F. XLV v° (Jn 7) Je?sus parlant aux gardes. – F. XLVI (Jn 7) Je?sus entoure? des apo?tres. – F. XLVI v° (Jn 10) Le Christ et des hommes munis de pierres. – F. XLVII v° (Lc 7) L’onction des pieds de Je?sus. – F. XLVIII (Jn 11) Je?sus et le conseil des grands pre?tres et pharisiens. – F. XLVIII v° (Jn 6) Le Christ pre?chant. – F. L. Arrestation du Christ. – F. LII v° (Jn 12) Entre?e du Christ a? Je?rusalem. LII v° Pre?sentation du Christ au peuple (Ecce homo). – F. LVI Portement de croix. – F. LVIII v° (Jn 13) Lavement des pieds. – F. LIX v° Crucifixion. (Vendredi Saint) – F. LXXI (Dimanche de Pa?ques) Re?surrection du Christ. – F. LXXI v° (Mc 16) Saintes femmes au tombeau. – F. LXXII (Lc 24) Les disciples d’Emmau?s. – F. LXXIII (Lc 24) Je?sus et ses disciples. – F. LXXIII v° (Jn 21) Je?sus et ses disciples au lac de Tibe?riade. – F. LXXIIII (Jn 20) Apparition de Je?sus (en jardinier) a? Marie-Madeleine. – F. LXXIIII v° (Mt 28) Apparition de Je?sus aux disciples. – F. LXXV (Jn 20) Marie Madeleine pre?s du tombeau vide et arrive?e de Pierre. – F. LXXV v° (Jn 20) Je?sus et ses disciples. – F. LXXVI v° (Lc 24) Saintes femmes au tombeau garde? par l’ange. – F. LXXVII (Jn 10) Je?sus et ses disciples. – F. LXXVII v° (Mc 4) Je?sus enseignant. – F. LXXVIII (Jn 16) Je?sus parlant aux disciples. – F. LXXIX (Jn 16) Je?sus parlant aux disciples. – F. LXXIX (Mt 11) Je?sus louant le Pe?re. – F. LXXX (Jn 16) Je?sus parlant aux disciples. – F. LXXX (Lc 11) Je?sus et ses disciples. – F. LXXX v° (Mt 7) Je?sus parlant aux disciples. – F. LXXXI (Jn 17) Je?sus louant le Pe?re. – F. LXXXI v° Ascension du Christ en pre?sence de Marie et de saint Jean et d’une foule. – F. LXXXII (Mc 16) Ascension du Christ. – F. LXXXII v° (Jn 15-16) Je?sus et ses disciples. – F. LXXIII (Jn 6) Je?sus et ses disciples. – F. LXXXIIII v° (Jn 14) Je?sus et ses disciples. – F. LXXXV Penteco?te. – F. LXXXV v° (Jn 14) Je?sus et ses disciples. – F. LXXXVI (Jn 3) Je?sus et ses disciples. – F. LXXXVI v° (Jn) Je?sus et ses disciples. – F. LXXXVII v° (Jn 6) Je?sus et ses disciples. – F. LXXXVIII (Lc 9) Je?sus et ses disciples. – F. LXXXVIII v° (Lc 5) Gue?rison d’un paralyse?. – F. XC (Fe?te de la Trinite?) Image de la Trinite? sous forme de sche?ma avec inscriptions. Figure trice?phale entoure?e des quatre symboles des e?vange?listes. – F. XCI v° (Messe du Saint Sacrement) Dernie?re Ce?ne. – F. XCII v° (Lc 16) Le Mauvais riche et le pauvre Lazare. – F. XCVI v° (Lc 5) Pe?che miraculeuse au lac Ge?ne?sareth. – F. XCVIII (Mc 8) Multiplication des pains. – F. CV v° (Lc 17) Dix le?preux venant a? la rencontre de Je?sus. – F. CVII v° (Lc 7) Re?surrection du fils de Nai?n, porte? sur une civie?re.– F. CXXIIII v° (pleine page) : Crucifixion. Le Christ en croix et les deux grandes figures de la Vierge et de saint Jean sont place?s sous une large arcade qui repose sur des pilastres richement orne?s. L’arcade porte l’inscription latine ABSIT MICHI GLORIARI NISI IN CRUCE DNI NRI IESU CHRISTI (« Pour moi, que jamais je ne me glorifie sinon dans la croix de notre Seigneur Je?sus Christ », une phrase tire?e l’e?pi?tre de saint Paul aux Galates, 6, 14). En bas de l’image, une croix dans un me?daillon (a? la manie?re d’une croix de conse?cration). F. [CXXV] (pleine page) : Dieu en majeste?, assis sur un tro?ne, entoure? des symboles des e?vange?listes. Il be?nit et tient le globe terrestre. CXXVI (Te igitur) Christ en croix entre la Vierge et saint Jean. La croix forme le T du « Te igitur ».

Sanctoral (nouvelle foliotation):
F. I Martyre de saint Andre?. – F. II v° Image de l’Immacule?e Conception. La Vierge entoure?e des symboles (ou Vierge aux litanies). – F. III Arbre de Jesse?. – F. X v° Pre?sentation de Je?sus au temple. – F. XIV v° Annonciation. – F. XV v° Saint Marc, e?vange?liste. – F. XVIII Saint Nicolas. – F. XX v° Saint E?tienne tenant la palme du martyre et des pierres. – F. XII Saint Jean-Baptiste. – F. XXVI Visitation. – F. XVII v° Marie Madeleine tenant le vase a? onguent. – F. XXIX Saint Jacques. – F. XXIX v° Sainte Anne apprenant a? lire a? la Vierge. – F. XXXII Lapidation de saint E?tienne. – F. XIII v° Transfiguration. – F. XXXIIII v° Saint Laurent avec son attribut le gril et un livre ouvert. – F. XXXVI v° (Fe?te de l’Assomption) Couronnement de la Vierge. – F. XXXIX Saint Louis. – F. XL De?collation de saint Jean-Baptiste. – F. XLI v° (Fe?te de la nativite? de la Vierge) Arbre de Jesse?. – F. XLV v° Saint Matthieu, e?vange?liste, avec son symbole l’ange. – F. XLVII Saint Michel terrassant le de?mon. – F. XLIX Saint Denis. – F. L Saint Luc peignant la Vierge. – F. LII v° (Commun des saints) Le Christ et de nombreux saints, saintes, martyrs (sur deux registres). – F. LVv° Sainte Catherine.

Commun des saints (nouvelle foliotation):
F. I Assemble?es de saints, saintes, martyrs, etc., repre?sente?s sous des arcades et sur deux registres – F. I v° Saint-Denis. – F. VIII v° (Commune virginum) Pre?sentation d’un calice surmonte? de l’hostie. – F. X v° Saint Michel terrassant le de?mon. – F. X v° Penteco?te. – F. XI v° Crucifixion. Le Christ entre les larrons ; le groupe de la Vierge fait pendant a? celui des cavaliers. – F. XII Annonciation. – F. XIII Annonciation. – F. XVIII v° (Missa pro defunctis) Les trois morts pre?s d’une croix de cimetie?re. – F. XXV Sche?ma de la Trinite? : figure trice?phale et symboles des e?vange?listes. – F. XXVIII Le Christ pre?sentant ses cinq plaies et blessures, entoure? des instruments de la passion. – F. XXVIII v° L’Enfant Je?sus, assis, tenant le globe terrestre.

Choix des gravures:
L’iconographie de ce missel est particulie?rement riche. Elle comprend un grand nombre de sce?nes bibliques du Nouveau testament et d’images hagiographiques. Seules quelques gravures sont re?pe?te?es, notamment celles de petit format : p.ex. la Nativite? en de?but de volume est reproduite deux fois (aux ff. VII et VIII) ; les diffe?rentes images du Christ parlant aux juifs, aux pharisiens ou aux disciples sont repre?sente?es jusqu’a? trois fois.
Parmi les images plus grandes, celle de l’Annonciation est reprise au feuillet XIV v° du sanctoral et, en fin de volume, au f. XII ; celle de la Penteco?te deux fois aussi (ff. LXXXV et X v°), celle de l’assemble?e des saints deux fois e?galement (LII v° et I), de me?me que l’image de saint Michel qui figure au f. XLVII et quelques feuillets plus loin (f. X v°).
Toutefois, me?me si l’image se re?pe?te, elle n’est jamais une simple copie car la mise en couleurs est diffe?rente et le re?sultat obtenu varie d’une image a? l’autre. Le ou les peintres individualisent chaque illustration en changeant l’expression des visages, les effets des drape?s, le de?cor du paysage, les ornements, les coloris.

Origine des gravures:
L’imprimerie a largement contribue? a? la diffusion des gravures, notamment a? partir du dernier quart du XVe sie?cle. Nombreux sont les bois qui ont servi durant plusieurs de?cennies. Dans les e?ditions du XVIe sie?cle, les e?diteurs continuent a? utiliser des bois plus anciens. Par conse?quent, les styles sont me?lange?s; certaines gravures pre?sentant un caracte?re plus archai?que que d’autres.
Le bois repre?sentant la Ce?le?bration de la messe au de?but de l’ouvrage remonte a? la fin du XVe sie?cle. On le trouve dans un missel a? l’usage de Verdun, imprime? par Jean Du Pre?, en 1481 (Renouard, 1964, p. 23). Ce me?me imprimeur-libraire l’utilise e?galement dans le missel a? l’usage de Cha?lons, imprime? a? Paris en 1489 (Paris, BNF, Re?s. des livres rares, Ve?lins 157 ; voir plus loin). Dans l’exemplaire de 1543, non enlumine? (BNF, Re?s. des livres rares, Ve?lins 159), la page imprime?e comporte dans le de?cor de la partie infe?rieure la devise « Fortuna opes auferre, non animum potest » qui est celle de l’imprimeur libraire Nicolas Pre?vost (1499- 1532). Il faut noter que dans cet exemplaire les gravures de moyen format sont accompagne?es d’initiales historie?es qui pre?sentent une iconographie en rapport avec la gravure qui les surmonte. A? titre d’exemple, on peut mentionner la sce?ne des Trois morts (f. XVIII v°) sous laquelle se trouve l’initiale historie?e (R de Requiem) qui montre un squelette transperc?ant de son dard le corps d’une femme. Ces initiales historie?es ont e?te? abandonne?es dans les exemplaires enlumine?s au profit des initiales orne?es sur fond dore?. Cette me?me gravure de la Ce?le?bration de la messe se trouve dans d’autres missels destine?s a? d’autres usages liturgiques (p. ex. Rouen : missel imprime? en 1534 par Jean Petit et Yolande Bonhomme).
Certaines gravures ont e?te? utilise?es par Thielmann Kerver dans de nombreux livres d’heures imprime?s dans les anne?es 1500-1510. On peut citer plusieurs sce?nes a? titre d’exemple : l’Arbre de Jesse?, une tre?s belle composition grave?e par le Mai?tre des Tre?s Petites Heures d’Anne de Bretagne (appele? aussi Mai?tre de la rose de l’apocalypse de la Sainte-Chapelle) ; la Vierge aux litanies, reproduite maintes fois, de me?me que le Christ debout entoure? des instruments de la passion, la Trinite? ou encore les Trois morts. Ces nombreux bois e?taient reste?s dans l’atelier et pouvaient e?tre employe?s dans de nouvelles e?ditions publie?es par d’autres imprimeurs, notamment la veuve de Kerver, Yolande Bonhomme.
Les deux somptueuses images de la Crucifixion et de Dieu le Pe?re en majeste? qui forment une magnifique double page au Canon sont signe?es par un monogramme en forme de croix a? double traverse (croix de Lorraine), place? au pied de saint Jean de la Crucifixion et sur la partie gauche du soubassement de Dieu le Pe?re. Me?me si cette iconographie est courante pour le Canon, il semble que ces deux compositions aient e?te? conc?ues spe?cialement pour cet exemplaire destine? au cardinal de Lenoncourt. Ces deux gravures figurent e?galement au Canon d’un missel a? l’usage de Paris, publie? par Jean Amazeur en 1547 (Paris, BNF, Re?s. B- 847 et Arsenal Fol-T-710 ; Renouard, 1964, p. 22-23, n° 21). Signalons que la gravure de la Crucifixion se trouve colle?e sur une page d’un graduel parisien fait pour le couvent des Ce?lestins a? Paris en 1549 (Paris, Bibl. Mazarine, ms. 391, f. 65 v).

Style:
Ce missel imprime? en 1543 e?voque encore la production de manuscrits des de?cennies pre?ce?dentes. L’encadrement orne? du premier feuillet et les initiales orne?es peints a? la main a? la manie?re des manuscrits pre?cieux en sont la preuve. La mise en couleurs des gravures et le de?cor des centaines d’initiales rele?ve du savoir-faire d’enlumineurs. D’autres indices – comme la re?glure trace?e a? l’encre et le support me?me en parchemin – font re?fe?rence a? la tradition des livres manuscrits. Les gravures enlumine?es font toute la richesse de ce missel imprime?. Au vu de leur nombre et des diffe?rences stylistiques, il apparai?t que plusieurs artistes aient travaille? a? la mise en couleurs. Le frontispice avec la lapidation de saint E?tienne, reprenant la me?me sce?ne qui figure a? l’inte?rieur du volume, est d’une main diffe?rente que la double page du Canon. Les illustrations de format moyen sont encore d’une autre facture stylistique, mais toujours tre?s soigne?es. Les petites illustrations sont peintes d’une fac?on plus rapide. Les couleurs sont pose?es de fac?on couvrante. Les dessins grave?s et les hachures caracte?ristiques pour indiquer le relief ont guide? le pinceau des peintres. A? certains endroits on devine ou on voit le dessin grave? sous-jacent (voir par exemple l’image le?ge?rement frotte?e au f. XLVIII v°). Souvent le peintre recouvre le dessin grave? d’une vraie couche de peinture opaque qui fait vivre son propre style, notamment pour les visages et les drape?s. Les visages pre?sentent des zones d’ombre et de lumie?re ; des touches claires accentuent le relief. Les traits sont renforce?s par des coups de pinceau noir ; les le?vres rehausse?es de rouge, les me?ches de cheveux sont e?galement marque?es par des touches claires. Les creux des drape?s sont ombre?s, les plis sont e?claircis. Les contours sont souvent marque?s par des traits bien noirs. La palette chromatique est tre?s varie?e et les teintes sont vives : un bleu intense, un rouge vif, un vert soutenu ; s’y ajoutent des tons orange?s, rose?s, bruns. Le blanc est largement utilise? pour les rehauts (traits du visage, chevelure). La double page pre?sentant la Crucifixion et Dieu le Pe?re est incontestablement la meilleure re?alisation du volume. L’enlumineur reste tre?s proche de l’image grave?e ce qui laisse supposer une collaboration e?troite entre lui et le graveur ou bien penser qu’il s’agit de la me?me personne. Il de?ploie tout son savoir-faire pour ces pleines pages en cre?ant par la couleur des compositions extre?mement harmonieuses entoure?es de cadres dore?s aux ornements varie?s. Les couleurs sont parfaitement e?quilibre?es et les nuances ajuste?es. Les visages prennent des expressions varie?es : le regard doux de Dieu le Pe?re, les visages tristes de la Vierge et de saint Jean levant le regard vers le Crucifie? qui a les yeux clos, le visage pa?le et le corps marque? par les blessures saignantes. Le paysage et les architectures de l’arrie?re-plan donnent de la profondeur a? l’image domine?e par la croix. Les nombreuses initiales orne?es sur fond dore? ou sur fond de couleur sont d’une tre?s grande varie?te? et d’une extre?me finesse. Sur un seul feuillet (f. VIII du sanctoral), on les voit a? l’e?tat grave?, sans couleurs. Ce type de gravure, crible?e, est tre?s raffine?. Les peintures ont certainement e?te? re?alise?es a? Paris ou? foisonnent les ateliers de peintres- enlumineurs. Beaucoup d’œuvres sont anonymes comme le missel de Robert II de Lenoncourt et il est souvent difficile d’attribuer une œuvre pre?cise a? un artiste atteste? par un document d’archives. Des dizaines de noms apparaissent dans les documents (devis, marche?s, etc.), tre?s nombreux pour les premie?res de?cennies du XVIe sie?cle, et confirment l’intense activite? a? Paris autour du me?tier du livre. Enluminer les livres imprime?s e?tait une pratique tre?s courante sous le re?gne de Franc?ois Ier. Le travail d’atelier et la polyvalence des artistes sont atteste?s. Graveurs, imprimeurs, libraires, relieurs, enlumineurs collaboraient au sein des ateliers. De?s la fin du XVe sie?cle apparaissent des peintres prolifiques comme le Mai?tre des Tre?s petites heures d’Anne de Bretagne, tre?s actif autour des anne?es 1490-1500, ou le Mai?tre des Entre?es parisiennes travaillant jusqu’aux anne?es 1520. D’autres artistes sont bien documente?s, comme Jean Pichore, enlumineur et imprimeur ; Noe?l Bellemare, peintre et enlumineur ; E?tienne Colaud, peintre-enlumineur et libraire dans les anne?es 1520-1540, re?cemment e?tudie? (Cousseau, 2016). Une autre personnalite? importante, travaillant pour des commanditaires hhe haute rang, fut le Mai?tre de Franc?ois de Rohan, actif entre la fin des anne?es 1520 a? 1546. Gauthier de Campes, actif entre les anne?es 1510 jusqu’a? sa mort en 1541, est l’un des peintres les plus fe?conds a? Paris. Signalons que la facture de ce dernier se retrouve dans le portrait tisse? de Robert Ier de Lenoncourt († 1532), archeve?que de Reims et oncle de Robert II (suite de tapisseries de la Vie de saint Remi offerte en 1531 a? la basilique Saint-Remi de Reims ; Reims, muse?e Saint-Remi ; Leproux, 2001, p. 41 et passim). L’influence et la renomme?e des artistes parisiens se trouvent ainsi confirme?es dans de nombreuses œuvres. Le vocabulaire ornemental employe? par ces artistes parisiens se retrouve largement dans le missel imprime? par Yolande Bonhomme. L’iconographie trouve aussi des ancrages dans de prestigieux livres de l’e?poque : une semblable composition de Dieu le Pe?re avec les quatre e?vange?listes est pre?sente?e par exemple sur une pleine page du missel de Franc?ois I de Dinteville, peint par E?tienne Colaud (BNF, ms. lat. 9446, f. 70). Certaines gravures sont des œuvres plus anciennes re?employe?es. La pratique de mise en couleur des e?ditions imprime?es et grave?es s’est maintenue a? Paris pendant des de?cennies. Parmi les plus beaux exemples, citons le missel imprime? par Jacques Kerver en 1583 et commandite? par Rene? de Lucinge, seigneur des Alymes (BNF, Rothschild 2528). Ce dernier fit appel a? Guillaume Richardie?re, enlumineur parisien de grande renomme?e, qui avec l’aide de deux compagnons mit en couleur les quelque 7 gravures a? pleine page, 252 petites gravures et pre?s de 600 initiales. Ce travail de 5 mois cou?ta la somme conside?rable de 140 e?cus d’or (Avril, 2016, p. 236). On peut donc imaginer que le Missel pour Robert de Lenoncourt dont le nombre d’illustrations a? peindre fut e?galement important (rappelons leur nombre 3 pleines pages, 150 moyennes et petites gravures et plus de 300 initiales) eut aussi un prix conse?quent et ne?cessita plusieurs mois de travail. Plusieurs artistes ont e?galement participe? a? l’enluminure de cet ouvrage et leur travail e?tait bien plus qu’un simple coloriage.


AUTRES EXEMPLAIRES conserve?s dans des bibliothe?ques publiques

E?ditions du missel a? l’usage de Cha?lons:
Il exista une e?dition ante?rieure a? celle de 1543. Un Missale Cathalaunense fut imprime? sur ve?lin a? Paris par l’imprimeur-libraire Jean Du Pre? en 1489 (Paris, BNF, Re?serve des livres rares, Ve?lins-157). Cet exemplaire in fol., comportant 208 feuillets, est illustre? de 22 images grave?es et peintes.
L’e?dition de 1543 fut donc largement augmente?e d’illustrations. Cinq autres exemplaires imprime?s de cette e?dition de 1543 ont pu e?tre repe?re?s. Seuls deux ont des gravures enlumine?es. Gra?ce a? la mise en couleurs des gravures et au riche de?cor enlumine?, chaque exemplaire est unique et individualise?.

1. Cha?lons-en-Champagne, bibliothe?que municipale, Re?s. A 107. Parchemin.
Gravures enlumine?es.
La page frontispice porte le titre suivi de la date 1544.
Feuillet 1 manquant, remplace? par un feuillet manuscrit de 1783. Provenance : indication manuscrite « N 17 A Monseigneur ». Bibliographie : Martimort, 1978, p. 87 (n° 84).

2. Cha?lons-en-Champagne, bibliothe?que municipale, Re?s. A 108.
Papier.
Gravures non enlumine?es.
Frontispice avec la sce?ne lapidation de saint E?tienne surmonte?e de la de?dicace a? Robert de Lenoncourt.
Lacune f. 315-316 (double page avec la Crucifixion et Dieu en majeste?).
Provenance : Cosme Clause, e?ve?que de Cha?lons (1575-1624 ; ex-libris manuscrit) ; Grand- Se?minaire de Cha?lons (?).
Bibliographie : Martimort, 1978, p. 87 (n° 84).

3. Paris, Bibliothe?que nationale de France, Re?serve des livres rares, Ve?lins-158. Parchemin.
Frontispice manquant.
Gravures enlumine?es.

Provenances:

-  Paul Girardot de Pre?fond (ca. 1722-1765 ; ex-libris et armoiries sur la garde colle?e ; vente Paris 1757),

-  Justin Mac-Carthy Reagh (1744-1811),

-  Bibliothe?que royale (estampille).
Bibliographie : De Bure, 1815, p. 51 (n° 318) ; Van Praet, I, 1822, p. 143 (n° 192) ; Weale, 1886, p. 51.

4. Paris, Bibliothe?que nationale de France, Re?serve des livres rares, Ve?lins-159.
Seuls deux feuillets en parchemin (ff. CXXIIII et [CXXV]), le reste en papier.
Gravures non enlumine?es.
Frontispice avec la lapidation de saint E?tienne surmonte? de la de?dicace a? Robert de Lenoncourt (page identique a? l’exemplaire de Cha?lons, Re?s. A 108).

Provenances:

-  legs de Franc?ois Clausse de Marchaumont (mort en 1641) au monaste?re des Anges-

gardiens a? Paris (e?tiquette sur la garde colle?e, inscription sous la gravure du

frontispice)

-  couvent des Bernardins de Paris – 1763 (inscription sous la gravure du frontispice).

-  Bibliothe?que impe?riale (estampille).

Bibliographie: Van Praet, I, 1822, p. 144 (n° 193).

5. Paris, Bibliothe?que nationale de France, Re?serve des livres rares, Ve?lins-783.
Seuls 2 feuillets en parchemin (ff. CXXIIII et [CXXV]), le reste en papier.
Gravures non enlumine?es.
Frontispice avec la sce?ne de la lapidation de saint E?tienne surmonte?e de la de?dicace a? Robert de Lenoncourt (page identique a? l’exemplaire de Cha?lons, Re?s. A 108) et inscription « Nicolaus deu me gabet ».

Bibliographie : Brun, 1969, p. 242 ; Martimort, 1978, p. 87 (n° 84).


Ce missel a? l’usage du dioce?se de Cha?lons-en-Champagne est un pre?cieux ouvrage enlumine? issu de l’imprimerie parisienne en 1543. Il conjugue subtilement la tradition du livre manuscrit et l’essor des e?ditions imprime?es. Re?alise? a? l’initiative de Nicolas Lanisson pour le prestigieux cardinal Robert de Lenoncourt, il pre?sente des illustrations grave?es enrichies de couleurs, dues a? des enlumineurs parisiens de talent. Ils ont peint les cent cinquante illustrations dont trois somptueuses pleines pages, et plus de 300 initiales orne?es. Cette œuvre tre?s soigne?e offre un re?el te?moignage d’un travail de collaboration entre les graveurs, les peintres et les libraires e?diteurs. Le missel inte?gra la collection du ce?le?bre bibliophile Ambroise Firmin-Didot qui lui donna sa superbe reliure de Lortic. Rares sont les exemplaires connus de cette e?dition et l’ouvrage pre?sente? ici est le mieux conserve?.


Ilona Hans-Collas

Ilona Hans-Collas est docteur en histoire de l’art (université Marc Bloch, Strasbourg). Elle a mené des recherches à la Bibliothèque nationale de France (Paris) et à l’Institut royal du Patrimoine artistique (Bruxelles).
Elle est spécialiste de la peinture murale de la fin du Moyen-Âge et est présidente du Groupe de Recherches sur la Peinture Murale (GRPM).
Elle est co-auteur du catalogue raisonné des manuscrits enluminés dans les anciens Pays-Bas méridionaux conservés à la BnF et a été co-commissaire de l’exposition Miniatures flamandes 1404-1482 (BnF, 2012).
Récemment, elle a été co-commissaire de l’exposition Le Livre et la Mort, XIVe-XVIIIe siècle, présentée à Paris, à la Bibliothèque Mazarine et la Bibliothèque Sainte-Geneviève, de mars à juin 2019.
Elle est présidente de l’association Danses macabres d’Europe (DME), membre correspondant de l’Académie nationale des sciences, arts et lettres de Metz et membre correspondant de l’Académie royale d’archéologie de Belgique.
Ses nombreuses publications portent sur le livre ancien et la peinture murale avec un intérêt tout particulier pour le Moyen-Âge et la Renaissance ainsi que pour l’iconographie religieuse et profane.

Nous tenons à la remercier d'avoir prêté ici sa plume pour cet article.


BIBLIOGRAPHIE

Catalogues de vente:

Catalogue des livres pre?cieux manuscrits et imprime?s faisant partie de la bibliothe?que de M. Ambroise Firmin-Didot de l’Acade?mie des inscriptions et belles-lettres. The?ologie, jurisprudence, sciences, arts, beaux-arts. Pre?ce?de? d’un essai sur la gravure dans les livres par M. Georges Duplessis. Vente a? l’ho?tel des commissaires-priseurs, rue Drouot, n° 9 ; salle n° 3, du lundi 26 au samedi 31 Mai 1879, Paris : Labitte, 1879, p. 117-118 (n° 73). [consultable a? la BNF, site Tolbiac : cote Delta 31633 (catalogue annote?) et Usuels de la Re?serve des livres rares, cote Collect I/Firm]

Livres anciens et romantiques provenant de l’ancienne collection Hachette. Autographes, vente a? Paris, ho?tel Drouot, salle 8, 20 de?cembre 2001, n° 173.

Publications:

Adam Pilinski et ses travaux: gravures, dessins, lithographies et reproductions en fac-simile?, par un bibliophile, Paris : Labitte, 1890 :
[sur Gallica]

AVRIL Franc?ois, « Les manuscrits enlumine?s de la collection de James E?douard, The?re?se et Henri de Rothschild », in Pauline Prevost-Macilhacy (dir.), Les Rothschild, une dynastie de me?ce?nes en France, t. III, 1935-2016, Paris : Louvre, BNF, Somogy, 2016, p. 228-241.

BERALDI Henri, La reliure du XIXe sie?cle, t. 3, Paris : Conquet, 1896, notamment p. 83-84 (n° 121 et 122).
[reproductions en noir et blanc de la reliure de Lortic (plat supe?rieur et doublure) du Missel de la collection Didot]

BOUDOT Pierre-Jean, SALLIER Claude, Catalogue des livres imprimez de la bibliothe?que du Roy, t. I, The?ologie, Paris : Imprimerie royale, 1739, p. 243 (n° 613).

BRUN Robert, Le livre franc?ais illustre? de la Renaissance. E?tude suivie du catalogue des principaux livres a? figures du XVIe sie?cle, Paris : Picard, 1969.

COUSSEAU Marie-Blanche, E?tienne Colaud et l’enluminure parisienne sous le re?gne de Franc?ois Ier, Tours : Presses universitaires Franc?ois-Rabelais et Rennes : Presses universitaires, 2016.

DE BURE, Bibliographie instructive ou traite? de la connoissance des livres rares et singuliers. Contenant un catalogue raisonne? de la plus grande partie de ces livres pre?cieux, qui ont paru successivement dans la Re?publique des lettres, depuis l'invention de l'imprimerie. Volume de the?ologie, Paris : De Bure, 1763, p. 197 (n° 218).

DESCHAMPS P., BRUNET G., Manuel du libraire et de l’amateur de livres. Supple?ment, t. I, A-M, Paris : Firmin-Didot, 1878, col. 1038 et t. II, N-Z, Paris : Firmin-Didot, 1880, col. 1063.

LEPROUX Guy-Michel, La peinture a? Paris sous le re?gne de Franc?ois Ier, Paris : Presses de l’Universite? de Paris-Sorbonne, 2001 (Corpus Vitrearum, E?tudes IV)

MARTIMORT Aime?-Georges, La documentation liturgique de Dom Edmond Marte?ne. E?tude codicologique, Citta? del Vaticano : Biblioteca Apostolica Vaticana, 1978, p. 87, 288, 295

MARTIN Gabriel, Catalogue des livres de feu M. l’abbe? d’Orle?ans de Rothelin, Paris : G. Martin, 1746, p. 25 (n° 243).
[sur Gallica NUMM-6531139 ; https://archive.org/details/cataloguedeslivr00mart ; catalogue annote?]

OSMONT J.B.L., Dictionnaire typographique, historique et critique des livres rares, singuliers, estime?s et recherche?s en tous genres, t. I, Paris : Lacombe, 1768, p. 477.

RENOUARD Philippe, Imprimeurs et libraires parisiens du XVIe sie?cle, t. I, Abade-Avril, Paris, 1964, notamment p. 22-23 (n° 31).

[TECHENER Le?on], « Du prix courant des livres anciens. Revue des ventes. La bibliothe?que de M. Ambroise Firmin Didot », Bulletin du bibliophile et du bibliothe?caire, 1879, p. 325- 326, 335 (n° 73).
[revue nume?rise?e, sur BNF Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5529781d]

VAN PRAET Joseph, Catalogue des livres imprime?s sur ve?lin de la bibliothe?que du roi, t. I, The?ologie, Paris : De Bure fre?res, 1822.

Sites internet:

Provenances:
- Firmin-Didot : http://data.bnf.fr/12115435/ambroise_firmin-didot/
- Rothelin : http://data.bnf.fr/10702776/charles_d_orleans_de_rothelin/ Reliure : http://data.bnf.fr/15836327/pierre-marcelin_lortic/