GRACQ. Le Rivage des Syrtes

Julien GRACQ. Le Rivage des Syrtes

Gracq rivage 2

Gracq rivage 3

Gracq rivage 1


L’un des romans majeurs de la seconde moitié du XXe siècle.

GRACQ (Julien, pseudonyme de Louis POIRIER).

Le Rivage des Syrtes


Paris, Librairie José Corti, 1951.

[Presses d’Aubin Ligugé (Vienne) le 25 sept. 1951]


Petit in-8° ; 353 pp. [le folio verso est blanc], 1 feuillet non chiffré contenant la Table [le folio verso indique l’Achevé d’imprimer].


Un plein maroquin janséniste marron foncé, dos à nerfs plats chiffré en pied, titre doré poussé au dos, gardes intérieures triplées (un luxe peu courant), doublures et gardes volantes en maroquin de couleur Lavallière utilisant la délicate technique dite du « bord à bord », garde de papier à la colle de couleur beige avec rehauts d’or, couverture jaune imprimée et dos de l’éditeur conservé (à la rose des vents, monogramme J. C., portant la devise « Rien de Commun »), entièrement non rogné, témoins conservés, tranches dorées, reliure d'époque non signée portant uniquement la date d’exécution « 1965 » [en pied du contre-plat], une chemise dos à nerfs et à bandes rempliée, un étui bordé de maroquin marron foncé assorti. UN SUPERBE EXEMPLAIRE.

UN EXEMPLAIRE D’UNE CONDITION IMPECCABLE.


Format bibliographique : 185 x 120 mm


Vendu


Un jour, il y eut Julien GRACQ, Le Rivage des Syrtes.

Le Rivage des Syrtes est l’œuvre la plus célèbre de Julien Gracq (1910-2007), son chef-d’œuvre. Elle valut à son auteur le prix Goncourt, qu’il refusa avec retentissement.


BIBLIOGRAPHIE

ÉDITION ORIGINALE TIRÉE À SEULEMENT 40 EXEMPLAIRES DE LUXE, PREMIER GRAND PAPIER.

  • Tirage : L’un des 40 exemplaires numérotés (n° 36) imprimés sur papier vergé de Rives [BFK RIVES en filigrane], PREMIER GRAND PAPIER, avant soixante exemplaires sur vélin pur fil Lafuma.

  • Il n’a pas été tiré d’exemplaires de main de passe.

PROVENANCE : Vignette ex-libris de la Bibliothèque JEAN BARNAUD (Lettre « B » en capitale d'imprimerie encadrée d'un filet double, encre bleu clair).Img 7133


L’ouvrage de référence reste : « Les Cahiers de L’Herne », numéro spécial consacré à Julien GRACQ, dirigé par Jean-Louis Leutrat, publié en 1972, où l’on trouvera des textes critiques, des témoignages et articles thématiques sur l’auteur et son œuvre et une bio-bibliographie détaillée et complète. Une annotation abondante éclaire l’histoire de ce texte et les circonstances de son élaboration.


À retenir, parmi les études récentes ou livres à consulter :

– Bernhild BOIE, Éditeur scientifique, « Notice au Rivage des Syrtes », in Julien GRACQ, Œuvres complètes, tome I, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Édition Gallimard, 1989.

– José CORTI, Souvenirs désordonnés (…­—1965), Paris, Librairie José Corti, 1983, p. 22 sqq.
José Corti fut l’ami et l’éditeur de Julien Gracq. Ces souvenirs, souvent émouvants sont de premier ordre.

Extrait : « C’était un homme qu'une fiche signalétique n'aurait pu définir que comme moyen en tout. Il n'y a en effet rien de commun entre l'homme et l'œuvre ; entre le Gracq réservé que l'on rencontre, le professeur froid – dont les élèves disent qu'il ne se déride jamais, mais fait d'excellents cours – et l'écrivain qui a miraculeusement peint les enchantements d'Argol, les féeries de la forêt des Ardennes, les magies de la mer des Syrtes ; qui nous a rendu sensible le poids écrasant du Destin, et qui est le vrai Gracq ; celui que l'on tiendra un jour pour l'un des plus grands écrivains de notre époque. Gracq n'est pas un homme de conversation de salon. Il est l'homme du tête-à-tête ; celui qui cherche dans l'interlocuteur cette part de singulier, cette part d'humain qui peut l'intéresser. Cette curiosité, ce souci de connaître, exclut la dispersion. Dans un groupe, même dans un petit groupe constitué au hasard d'une réunion, Gracq ne laisse pas deviner qu'il est Gracq. Il décevra même celui qui espère saisir dans sa conversation quelque chose de la poésie de son œuvre, qui attend que jaillisse enfin l'improvisation brillante où éclateront l'esprit, l'humour, le trait de Liberté grande. » (José Corti, Souvenirs désordonnés).

– [La] Revue Givre, n° 1, mai 1976.

Les manuscrits de travail et la mise au net de ce roman sont conservés à la Bibliothèque nationale de France (Legs Julien Gracq, 2008).


Le Rivage des Syrtes, un imprécis d’histoire et de géographie à l’usage des civilisations rêveuses*.

Le jeune officier Aldo (narrateur et personnage principal du roman), un jeune homme dysphorique issu d’une noble et ancienne famille, a été détaché par la Seigneurie d’Orsenna pour surveiller la flottille du capitaine Marino (deux pauvres bateaux), stationnée sur la mer des Syrtes ; une mer étrange bordée de lagunes désolées face à l’obscur Farghestan, ennemi héréditaire depuis trois cents ans. Entre les deux pays subsiste depuis longtemps un état permanent de guerre; mais, de part et d’autre, on s’est lassé du combat, la guerre s’est sclérosée et le temps semble arrêté sur ce paysage désolé de marais, de plages et de ruines séculaires. Une affectation lointaine d’« observateur » au cœur d’une forteresse ruineuse, une vie retranchée, une attente sans fin, le silence, l’ennui, le besoin d’aventure et l’apparition dans un jardin d’une jeune fille, Vanessa Aldobrandi, poussent, un jour, Aldo, à l'action. À bord du « Redoutable », il reconnaîtra la côte ennemie, franchira la passe, mais son imprudente initiative entraînera le réveil des hostilités. On ne verra pas la guerre, l’armée n’aura pas encore franchi la frontière, l’ennemi est invisible, mais la certitude sera là, et avec elle planera l’approche de la mort dans la touffeur de l’atmosphère angoissante.

Cette insolite histoire de suicide collectif laisse une subtile et tenace impression de trouble. Cette angoisse latente et pesante constitue encore le thème dominant du Rivage des Syrtes. Un récit magnifique à force de simplicité, d’attention et de naturel, dans un style dépouillé, qui développe le thème culminant de l’attente, des vastes solitudes et du silence. Une œuvre de fiction où rêve et réalité se confondent et qui rappelle à notre mémoire que les pays comme les civilisations sont mortels.
Le grand roman de Julien Gracq qui fait date dans l'histoire de la littérature.

*Antoine BLONDIN, décembre 1951.


« Un rêve éveillé », selon Julien Gracq lui-même, Le Rivage des Syrtes fut considéré à sa parution comme un « roman surréaliste » en ce que ses thèmes les plus manifestes : l’attente, l’angoisse, la promesse de l’inconnu, deux ennemis imaginaires et héréditaires et le décor mystérieux et flou dont les descriptions du paysage constituent la matière même de l’intrigue, paraissaient éminemment surréalistes. À sa parution, le troisième roman de Julien Gracq fut considéré comme son œuvre maîtresse ; il suscita un mouvement de curiosité étendu ainsi que l’adhésion unanime de la critique. Les ventes atteindront 250 000 exemplaires.

De 1938 à 1958, Julien Gracq (1910-2007) devait laisser d’ineffaçables empreintes dans la littérature française contemporaine : Au château d’Argol (refusé par les Éditions Gallimard), Un beau ténébreux, Le Rivage des Syrtes, Un balcon en forêt.


« Ce que j’ai cherché à faire, entre autres choses, dans Le Rivage des Syrtes, plutôt qu’à raconter une histoire intemporelle, c’est à libérer par distillation un élément volatil l'esprit-de-l'Histoire, au sens où on parle d’esprit-devin, et à le raffiner suffisamment pour qu’il pût s’enflammer au contact de l’imagination. Il y a dans l’Histoire un sortilège embusqué, un élément qui, quoique mêlé à une masse considérable d’excipient inerte, a la vertu de griser. Il n’est pas question, bien sûr, de l’isoler de son support. Mais les tableaux et les récits du passé en recèlent une teneur extrêmement inégale, et, tout comme on concentre certains minerais, il n’est pas interdit à la fiction de parvenir à l’augmenter.

Quand l’Histoire bande ses ressorts, comme elle fit, pratiquement sans un moment de répit, de 1929 à 1939, elle dispose sur l’ouïe intérieure de la même agressivité monitrice qu’a sur l’oreille, au bord de la mer, la marée montante dont je distingue si bien la nuit à Sion, du fond de mon lit, et en l’absence de toute notion d’heure, la rumeur spécifique d’alarme, pareille au léger bourdonnement de la fièvre qui s’installe. L’anglais dit qu’elle est alors on the move. C’est cette remise en route de l’Histoire, aussi imperceptible, aussi saisissante dans ses commencements que le premier tressaillement d’une coque qui glisse à la mer, qui m’occupait l’esprit quand j’ai projeté le livre. J’aurais voulu qu’il ait la majesté paresseuse du premier grondement lointain de l’orage, qui n’a aucun besoin de hausser le ton pour s’imposer, préparé qu’il est par une longue torpeur imperçue. »

Julien Gracq, En lisant en écrivant, p. 216.


Quelques mots sur l'auteur :

Traduites dans vingt-six langues, étudiées dans des thèses et des colloques, proposées aux concours de l'agrégation, publiées de son vivant dans la bibliothèque de la Pléiade, les œuvres de Julien Gracq ont valu à leur auteur une consécration critique presque sans équivalent à son époque.

Julien Gracq est né le 27 juillet 1910 à St Florent-le-Vieil sur les bords de la Loire, entre Nantes et Angers, commune dans laquelle il se retirera, très éloigné des cercles littéraires et des parades mondaines, jusqu'à sa mort en 2007.
Le pensionnat marque l’enfance de Julien Gracq. Il fréquente d’abord un lycée de Nantes, le célèbre lycée Henri IV à Paris puis l’École Normale Supérieure et l’École libre des Sciences Politiques.

Agrégé d’histoire, Julien Gracq débute sa double activité en 1937. D’une part il entreprend son premier livre, Au château d’Argol, et de l’autre, il commence à enseigner, successivement aux lycées de Quimper, Nantes, Amiens, et se stabilise au lycée Claude-Bernard à Paris à partir de 1947, jusqu’à sa retraite en 1970. Signalons qu’il sera professeur sous son vrai nom, Louis Poirier, et écrivain sous le nom plus connu de Julien Gracq, qui construit continûment, après ce premier ouvrage, une œuvre de romancier, de poète, de nouvelliste, de dramaturge et d’essayiste.

Ainsi seront publiés, toujours chez le même éditeur, José Corti, 18 livres, puis un recueil d’entretiens et deux œuvres posthumes, Manuscrits de guerre et Terres du couchant.


Pour l'anecdote, François Mitterrand, par trois fois invita au palais de l'Élysée Julien Gracq, et, par trois fois, se verra opposer un refus poli.