CHALLE. Journal d'un voyage fait aux Indes Orientales par l'auteur des « Illustres Françaises »

Challe voyage 2

 

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Challe voyage 1

 

La rare première édition de la relation de voyage de Robert Challe aux Indes Orientales et aux Antilles.

CHALLE (Robert).

Journal d’un Voyage fait aux Indes Orientales, Par une Escadre de six Vaisseaux commandez par Mr. Du Quesne, depuis le 24 Février 1690, jusqu’au 20 Août 1691, par ordre de la Compagnie des Indes Orientales. Ouvrage rempli de Remarques curieuses sur quantité de Sujets, & particuliérement sur la Navigation & sur la Politique de divers Peuples & de différentes Sociétez.

A Rouen, Chez Jean Batiste [sic] Machuel le Jeune, 1721.

[titre imprimé en rouge et noir].

3 vol. in-12° ; 4 feuillets non chiffrés pour la page de grand titre et l’avertissement-1 planche repliée hors texte représentant une rose des vents, figure indiquant les points cardineaux-410 pp./(1)-388 pp./(1)-410 pp. [les pp. 191-192 sont répétées avec continuité du Journal, texte intégral, et la pagination saute sans lacune de la page 382 à la page 353 et de la page 376 à la page 405].

Plein veau brun moucheté, dos à nerfs très joliment orné, caisson or, fleurons or [fer évidé], pièce de titre en maroquin rouge, palette or en pied, tranches teintées unies en rouge, reliure de l’époque, très bel exemplaire.


ÉDITION ORIGINALE RARE, tirage destiné au marché français par Abraham de Hondt à la fausse adresse de Machuel à Rouen, et seule édition. Une édition hollandaise fut éditée la même année en 1721, à La Haye, s. n. [par Abraham de Hondt]. Les deux éditions sont parfaitement identiques (erreurs de paginations comprises) avec le titre imprimé en rouge et noir, une caractéristique éditoriale des impressions hollandaises.


BIBLIOGRAPHIE

Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes, t. II, 1008. Bibliothèque du Docteur J. Court, catalogue partie II, p. 8, n° 56. Cioranescu, 18253. Cormier, L’atelier de Robert Challe, p. 332.

Manque à Chadenat, Polak, Sabin, ainsi qu’à de nombreuses bibliographies sur le sujet !


Journal d'un Voyage Fait aux Indes Orientales

Le Journal d'un Voyage... (1721), de L'atelier de Robert Challe par Jacques Cormier, Paris, PUPS, 2010.
 

p. 332 sqq.

Après un séjour de plusieurs semaines à la prison du Châtelet, Challe se retrouve à Chartres de 1719 à sa mort. Il a interrompu, pour une raison inconnue, la rédaction de ses Mémoires dans les premiers mois de 1717. Il s’est vu confirmer le 11 octobre 1718 que ses Tablettes chronologiques ne seraient pas publiées ; les Hollandais lui ont annoncé qu’ils lui renverraient son manuscrit. Les Difficultés, ou les feuilles qui en sont la matrice, sont demeurées elles aussi à l’état de manuscrit. Restent le souvenir de l’aventure de la Continuation et, à défaut de la notoriété, le succès avéré des Illustres Françaises, l’éblouissement d’avoir été reconnu comme romancier par les journalistes de La Haye. Reste aussi la relation de son voyage vers le Siam. Quand l’escadre de l’amiral du Quesne-Guiton est arrivée aux Indes, lors de l’expédition de 1690-1691, les Français n’ont pu que recueillir les survivants. La mission française au Siam a été un fiasco intégral. Que faire du récit d’un voyage qui se solde par un échec complet ? Challe répond à la question en transformant ce qui est un désastre diplomatique de la France en une surprenante réussite littéraire, le récit somptueux d’une découverte du monde exotique et d’une exploration de la pensée de son temps : le Journal d’un voyage fait aux Indes orientales (du 24 février 1690 au 10 août 1691). Cette dernière œuvre est aussi le reflet d’une longue maturation, l’amplification de pages sur lesquelles il est revenu, qu’il a retravaillées pendant près de trente ans. C’est un nouveau retour sur lui-même, où se mêlent aveux de ses propres responsabilités dans l’échec de sa carrière et amertume devant une destinée qui ne l’a pas épargné. C’est enfin une nouvelle occasion de pourfendre ses ennemis de toujours, les jésuites, les traitants et, de façon insistante ici, les médecins. Dans les Mémoires, Challe s’était promis de revenir sur certains sujets : il y revient effectivement, mais c’est dans le Journal de voyage. Comme l’écrit Marie-Thérèse Hipp : « L’entreprise du mémorialiste est souvent une revanche sur la vie, revanche sur autrui, moyen d’être soi-même tel enfin qu’on aspire à être. […] D’où inévitablement, deux niveaux de déformation bien distincts : celui de l’homme qui cherche à retrouver son passé – les déformations de la mémoire – et celui de l’homme qui veut écrire son passé à l’intention de lecteurs – les déformations des mémoires ». Les Mémoires de Challe obéissent à la loi du genre, sa dernière œuvre aussi : le chemin parcouru du Journal du voyage des Indes Orientales à Monsieur Pierre Raymond au Journal d’un voyage fait aux Indes orientales (du 24 février 1690 au 10 août 1691) est remarquable. On peut considérer que Challe procède dans ce dernier récit à la réécriture de toutes ses œuvres antérieures : le Journal de voyage est devenu le creuset dans lequel sont venus se fondre ses expériences, ses jugements, ses souvenirs, ses lectures d’ouvrages parus entre 1690 et 1718.
Le Journal initial de son voyage au Siam s’est insensiblement mué, tout en conservant son titre, en Continuation de ses Mémoires. Il connaît certainement les règles qui régissent la manière de composer un journal de voyage aux Indes orientales : il a eu l’occasion de parcourir de nombreux modèles. Dans le Journal à Pierre Raymond, il cite les auteurs de relation suivants : Linschoten, Choisy, Oléarius, Chaumont, Flacourt, Tavernier et de manière générique, les jésuites c’est-à-dire les récits de voyage que les jésuites publiaient régulièrement et sans doute aussi le père Guy Tachard. Il avoue dans cette version du Journal, qu’il a été un lecteur assidu de relations de voyage :

J’ai demeuré fort longtemps à Paris, sans autre occupation que la lecture. Je crois avoir lu toutes les relations qui ont été imprimées, tant sur les terres que sur la religion, mais je ne me souviens point d’en avoir jamais lu de Messieurs des Missions Étrangères, mais oui bien des R.P. jésuites, qui en donnent toutes les années de très exactes et circonstanciées.

Ce qu’il ne dit plus dans son Journal imprimé de 1721 où il se contente de comparer le grand nombre de Relations écrites par les jésuites avec la rareté de celles qui proviennent de Messieurs des Missions Étrangères,

J’espère cependant que le lecteur me rendra la justice d’ajouter foi à ce que j’écris lorsqu’il saura par qui j’ai été informé, non seulement de ce que je viens de dire, mais encore d’autre chose bien plus grave et incroyable, qui regarde encore les veuves et les filles de ces brahmènes. Je citerai mon auteur, ou plutôt mes auteurs, lorsqu’il en sera temps.

Quand Challe met au point cette version amplifiée de son Journal, il est animé par la conviction que son récit sera publié un jour, quoique de façon posthume. Challe meurt à la fin du mois de janvier 1721. Son Journal de voyage paraît quelques semaines plus tard à La Haye chez Abraham de Hondt, qui avait déjà publié Les Illustres Françaises. Il existe au moins deux émissions de cette édition, l’une portant la mention « À La Haye » sans marque d’éditeur, et l’autre prétendument imprimée « À Rouen » et faussement attribuée à « Jean Batiste Machuel le jeune, rue Damiette…». Paule Koch a minutieusement démontré que de Hondt réalise une opération financière frauduleuse en faisant endosser par un éditeur rouennais spécialisé dans la littérature de voyage les volumes qu’il souhaite écouler sur le marché français ; Prosper Marchand était au courant de tout.
Chacune des émissions comprend un Avertissement identique, daté du 15 mars 1721, avec la mention « Rouen » ou « La Haye » correspondant respectivement à la mention indiquée sur la page de titre. Le contenu et le ton de cet Avertissement renvoient par moments à Challe et par moments laissent supposer l’intervention de Prosper Marchand. Parlant d’éventuelles négligences de style, l’auteur de l’Avertissement précise : « […] c’est là, comme on le sait, le sort ordinaire des ouvrages posthume ». Il est intéressant de rapprocher ces lignes d’un passage du Journal de voyage :

Quoique je sois persuadé que ce journal-ci ne sera jamais publicdu moins pendant ma vie, je ne puis m’empêcher de dire que ces insulaires ont tous généralement l’inclination portée au larcin, afin que moi mort, le secret m’étant dès lors indifférent, ceux entre les mains de qui mon journal pourra tomber […] puissent se défier […] de la mauvaise foi [de ces insulaires].

L’ouvrage est vraiment posthume cette fois, mais vu les délais nécessaires à la publication, le texte devait en être prêt à la mort de Challe et l’on peut raisonnablement imaginer que l’éditeur attendait la nouvelle du décès de l’auteur pour commercialiser le livre. Il semble que Prosper Marchand entre, peut-être involontairement, dans le jeu challien de l’ouvrage posthume lorsqu’en 1748, il retranscrit à son tour ce passage de l’Avertissement.

    PAR JACQUES CORMIER

    Professeur de littérature, honoraire, à l'Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles


Jacques CORMIER est dix-huitièmiste et spécialiste de l'œuvre de Robert Challe.

Nous tenons à le remercier chaleureusement d'avoir prêté sa plume pour cet article.


Nous vous invitons aux recontres challiennes, un site intellectuel sur le web:

http://robert-challe.org/


Jacques CORMIER, L'atelier de Robert Challe (1659-1721), Paris, PUPS, 2010

L atelier challe

 
 
 

Un autre magnifique exemplaire vendu. Celui-ci est à l'adresse de La Haye

Challe journal 2

 

Challe journal 1