Sebastian MÜNSTER. LA COSMOGRAPHIE UNIVERSELLE 1565

Munster 1

[1565]. MÜNSTER (Sebastian (1489-1552), théologien, cosmographe, cartographe scientifique).

LA COSMOGRAPHIE VNIVERSELLE, CONTENANT la situation de toutes les parties du monde, auec leurs proprietez & appartenances. La description des pays & regions diceluy. La grande varieté & diuerse nature de la terre. Le vray pourtraict d’aucuns animaulx estranges, auec le naturel d’iceulx. Les figures & pourtraictz des villes & citez plus notables. Les coustumes, loix, & religions, de toutes nations, auec l’origine, accroissement & transport des Royaumes & Seigneuries, & les genealogies & faictz des Roys, Ducz, & autres Princes de toute la terre, continuant iusques à nostre temps. PAR SEBAST. MONSTERE. Auec priuilege du Roy.

[Basilea, Henricpetri], Bâle, Aux despens de Henry Pierre, [novembre] 1565.


Un fort in-quarto ; Titre imprimé en noir enrichi d’une belle vignette gravée sur bois, non signée, anépigraphe. Cette jolie vignette représente la terre et ses paysages montueux, un astronome (Ptoléméé) utilisant un quadrant à fil à plomb et un mathématicien (Aristote) reproduisant un angle au compas (« La mesure cosmographique du monde »). Le globe et le compas sont toujours les emblèmes du mathématicien, géographe, astronome.


Contenu des pièces liminaires : Page de titre [au folio verso : Privilège] ; 4 feuillets non chiffrés : « Sebastian Munster au Lecteur Salut » (avis aux lecteurs de Münster) ; un portrait de Sebastian Münster âgé de 60 ans et « Le relieur notera cecy » ; 4 feuillets non chiffrés « La table de la Cosmographie de Munst. », une impression sur deux colonnes ; 14 cartes doubles [1-14] ; « La Cosmographie vniuerselle recueillie de chasque bon autheur & approué, tant des historiens, comme de ceux qui ont descrit les lieux particuliers, par Sebastian Munster. » (Division en ordre de six livres : « Liure I », « Liure II », « Liure III », « Liure IV », « Liure V », « Liure VI »).

(1)-(4)-(1)-(4)-14 cartes gravées sur double-feuillets et montées sur onglets. Les cartes portent un titre et sont numérotées d'un chiffre indo-arabe [1 à 14].

2 feuillets blancs filigranés « N M » (1)-(4)-(1)-(4)-14 cartes gravées sur double-feuillets montées sur onglets, titrées et numérotées de 1 à 14 ; 1 337 pp. Le dernier feuillet (folio verso blanc) donne l’adresse bibliographique et termine le corpus du texte ainsi : « Cy finist la Cosmographie vniuerselle de Monsieur Sebastien Munstere, comprinse en six liures, nouuellement corrigée & augmentée : laquelle a este acheuée d’imprimer, aux dépens de Henry Pierre, en l’an de grace mille cinq centz & soixante cinq » ; 2 feuillets blancs filigranés « N M ». Il y a de nombreuses erreurs de foliotation (courant pour l’époque).

OUVRAGE BIEN COMPLET (nous l'avons collationné in situ sur l’exemplaire de la Bibliothèque de l’Arsenal ainsi que sur l'exemplaire de la BnF). 


Un plein veau fauve, dos muet à nerfs orné de caissons or, fleurons dorés, un double filet à doré d’encadrement sur les plats, tranches mouchetées, UN BEL ET SÉDUISANT EXEMPLAIRE DANS SA PREMIÈRE RELIURE D'ÉPOQUE.

Format bibliographique : L. 31,5 cm ;  l. 21 cm ; H. 9 cm


Prix sur demande – Price on request



Sebastien Münster : l'apogée du genre descriptif

[1565] LA TRÈS RARE TROISIÈME ÉDITION EN FRANÇAIS CORRIGÉE & AUGMENTÉE qui reprend les cartes de l’édition originale en allemand de 1544, mais avec les titres et les légendes en français. De 1552 à 1568, le texte français sera imprimé quatre fois, non sans avoir été en 1565 corrigé et augmenté.

Les éditions allemandes de 1544, 1545 et 1546 n'ont point entre elles de différences essentielles et ne renferment encore ni plans de villes, ni cartes spéciales. Ces cartes et ces plans de villes insérés dans le texte n'apparaissent que dans les éditions de 1550, en allemand et en latin, puis dans celles de 1552 en latin et en français.


UNE ÉDITION DEVENUE FORT RARE, CORRIGÉE ET AUGMENTÉE, traduite en français sous les yeux, voire de la plume, du cosmographe Sebastien Münster de cette célèbre Cosmographie universelle publiée pour la première fois à Bâle en allemand, en 1544, et traduite en français en 1552, 1565 et 1568 chez Heinrich Petri.

Cet ouvrage en traduction française (français moyen 1350-1610) a bénéficié de la haute estime de Michel de Montaigne qui y voyait surtout un guide de voyage parcourant l'Italie en 1580. Un immense succès des temps modernes, l’ouvrage encyclopédique fut réédité trente-cinq fois entre 1544 et 1638 et traduit en diverses langues (latin, italien, tchèque, français). La Cosmographie mathématique de Münster est la première géographie physique universelle rédigée en langue allemande par un protestant qui se réfère à l’Écriture sainte (au XVIe siècle, décrire le monde « entier » est une discipline supra-confessionnelle encore dominée par les catholiques, on songe à Hartmann Schedel auteur du texte Liber Chronicarum 1493).


Structure et parties du livre

Les très belles illustrations sont gravées sur bois : portrait de l’auteur, lettrines, nombreuses vignettes (vues, plans, cartes, gravures) et 14 cartes hors texte dont un planisphère terrestre (une représentation du monde d’après Ptolémée) et des cartes de l’Europe, de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, ainsi que de 38 autres cartes, pour la plupart d'une réelle valeur artistique et historique, vues, plans imprimés sur doubles-feuillets dont 3 grandes vues panoramiques de villes dépliantes : Worms, Heidelberg et Vienne de trois feuillets chacune montés sur onglets (très souvent incomplètes ou faisant défaut dans la plupart des exemplaires) et un feuillet double gravé représentant les monstres marins et terrestres, 17 vues et plans de villes à pleine page et 45 autres vues de villes, ainsi que plus de 1 000 gravures sur bois illustrant les différentes régions du monde (Paris, Édimbourg, Rome, Gènes, Vérone, Venise, Syracuse, Genève, Bâles, Baden, Cologne, Worm, Heidelberg, Francfort, Mayence, etc.).

Le texte est abondamment illustré de nombreuses gravures sur bois, dont certaines à pleine page (portraits, vues, paysages, volcans, monuments, animaux curieux, costumes, monnaies, scènes de genre, etc.). En outre, dans ce livre apparaît la dénomination Mare Pacificum, mais l’extension en longitude du nouvel océan est toujours très sous-estimé. Il comprend aussi la première carte gravée et imprimée de la Suisse. Au total plus de cent-vingt collaborateurs ont participé à cette œuvre collégiale monumentales dans le mouvement humaniste du XVIe siècle. Ce succès d’édition fut en partie dû aux magnifiques gravures sur bois réalisées par les plus grands artistes rhénans de son temps, dont certaines de Hans Holbein le Jeune (1498-1543), Urs Graf (1485-1527), le Caravage suisse, et pour la plupart par Hans Rudolph Manuel Deutsch (1525-1571), mais également par le graveur-illustrateur David Kandel (1520-1592), qui ornent cette publication magistrale. De surcroît, Münster ajusta son ouvrage à une clientèle plus large, alphabétisée, particulièrement urbaine, et non aux seuls et rares érudits, cercles restreints d'inités, en ayant recours à la langue vernaculaire et surtout il éveilla la curiosité des lecteurs grâce aux excursus, citations, anecdotes et farces destinées à flatter le goût du sensationnel et la crédulité. 


La description du monde à la Renaissance

Sectionnement de l'ouvrage :

Après une courte introduction mathématique et physique, le laborieux Sebastian Münster « travailleur et docte » (dixit André Thevet), véritable « père » de la discipline, divise son ouvrage en six livres. Le premier est consacré aux généralités (astronomie, mathématique, géographie physique, cartographie), récits des origines et contient un texte de Ptolémée publié intégralement. Les suivants renferment les descriptions des pays d'Europe qui représentent les deux tiers de l'ouvrage (2) : Angleterre, Écosse, Espagne, Irlande, Espagne, France, Italie ; (3) : Allemagne, Alsace, Suisse, Pologne, Autriche, Prusse, Hongrie ; (4) : Europe du Nord, de l’Est et du sud-est, surtout la Grèce et la Turquie ; puis (5) : Asie Mineure, Asie, Amérique ; et (6) : Afrique et Terres nouvelles.

Münster présente la configuration géographique, physique, biologique de toute la terre et du « ciel », il décrit les mœurs, les us et coutumes, regroupe astronomie, physique, biologie, histoire naturelle, anthropologie, ethnologie, histoire politique, sociale et culturelle. En définitive, son œuvre est une compilation narrative conciliant les connaissances scientifiques modernes ainsi que le savoir révélé par le texte sacré et essentiellement une description des continents amplement ornée de superbes cartes et d'attrayantes gravures hétéroclites accompagnées de longs textes descriptifs, notices toponymiques et historiques ; en somme un inventaire assez complet des cartes existantes et qui eut une forte influence sur le développement ultérieur de la cartographie. Érudit, esprit indépendant, méthodique et mesuré, ses contemporains ont vu en lui un puit de science, un « Strabon allemand », non seulement parce qu’il avait édité les géographies des écrivains antiques Gaius Julius Solinus, Pomponius Mela et son remarquable Claudius Ptolemaeus (1540), affirmant ainsi l'estime qu'il avait pour son maître, mais surtout parce qu’il avait enrichi les connaissances de l'époque grâce à ses propres publications : Biblia hebraïca (1534-1535), une grammaire et un dictionnaire araméens, Dictionarium hebraicum (1523), Mappa Europae (1536) et Cosmographei (1544) qui ont eu une grande influence au XVIe siècle



ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

ON NE COMPTE QUE 2 EXEMPLAIRES DE 1565 RÉPERTORIÉS DANS LES DÉPÔTS PUBLICS (BnF et Bibliothèque de l'Arsenal).

NOTRE EXEMPLAIRE EST DE LOIN LE PLUS COMPLET ET LE PLUS DÉSIRABLE. IL EST CONSERVÉ DANS SA PREMIÈRE ET BELLE RELIURE D’ÉPOQUE.

a. BnF, cote FOL-G-230 (cet exemplaire est en reliure moderne).

b. Bibliothèque de l'Arsenal, cote FOL-H-3307 (exemplaire dont la page de titre est très incomplète et a été remontée sur la garde blanche. Au folio verso on note l'absence du privilège. Par ailleurs, il y a de quelques manques aux feuillets de texte et plus dramatiquement à deux grandes planches repliées).


Études générales :

– Geoffroy ATKINSON, La Littérature Géographique Française de la Renaissance, p. 134, décrit l’édition française de 1565.

– Jacques-Charles BRUNET, t. III, col. 1945.

– Joseph SABIN, Dictionary of Books relating to America, coll. 51398-99 : ‘‘ Of greater rarity than the forgoing ’’  

L'ouvrage de référence :

– Louis VIVIEN DE SAINT-MARTIN, Histoire de la géographie (texte et atlas), Paris, Librairie Hachette & Cie, 1873.

Études critiques :

– Numa BROC, La Géographie de la Renaissance (1420-1620), Paris, Bibliothèque Nationale, 1980, chapitre VI, p. 77 sqq.

Karl Heinz BURMEISTER, Sebastian Münster, Cosmographia oder Beschreibung der gantzen Welt, t. I, p. 94.

– Sous la direction de Jean CEARD et Jean-Claude MARGOLIN, Voyager à la Renaissance, Actes du colloque de Tours, 1983, Paris, Éditions Maisonneuve et Larose, 1987, pp. 433-436.


– Lucien GALLOIS, Les géographes allemands de la Renaissance, Paris, Ernest Leroux Éditeur, 1890, chapitre XIII, p. 190 sqq. : « beaucoup de détails sont excellents. Münster a le sentiment de ce que doit être la géographie. Il sait voir… il sait peindre ce qu'il a vu. Son style souvent pittoresque, est quelques fois d'une étonnante vigueur. »


– Vicktor HANTZSCH, Sebastian Münster. Leben, Werk, Wissenschaftliche Bedeutung, Leipzig, 1898.

– Frank LESTRINGANT, André Thevet, cosmographe des derniers Valois, Genève, Droz, 1991.

– Gerald STRAUSS, Sixteenth-Century Germany. Its Topography and Topographers, Madison, The University of Wisconsin Press, 1959.

– Ronald TOOLEY, Tooley’s Dictionary of Mapmakers, p. 454, Tring, 1979.